Tu seras un homme papa est le récit vrai, physique et poignant d’un père sur le deuil d’un enfant.
Tu seras un homme papa est un témoignage rare et touchant. Celui d’un père confronté à la perte de l’un de ses enfants.
Il pleut des seul.e.s en scène dans cette édition du Festival OFF. En effet, la tendance est à se raconter, se livrer, partager son parcours de vie et transcender l’épreuve par l’Art, par la rencontre avec un public curieux de découvrir ces témoignage de résilience inspirants. Nous avons voulu découvrir celui de Gaël Leiblang, qui nous parle avec beaucoup de simplicité et de pudeur d’un drame de sa vie.
« 13 jours c’est tellement court, nous avions tant à vivre. »
Une rencontre fulgurante
Il ne s’appellera ni Garfield ni Jean-Pierre. Il s’appellera… Et puis non, nous le laisserons vous dire lui-même comment s’appellera cet enfant, ce fils désiré et déjà tant aimé. Comment il s’est appelé plutôt… Car sa vie aura malheureusement été plus courte que prévu. Beaucoup trop courte.
En effet, c’est d’abord une malformation congénitale qui va être découverte et nécessiter une opération. Mais, très vite, un « très vite » infiniment long pour ces parents plongés en apnée dans l’attente et l’incertitude, les choses vont se compliquer à n’en plus finir. Et, au terme d’un long marathon de douze jours, ce n’est pas un mais vingt-cinq médecins qui rendront leur verdict et éteindront les derniers espoirs : l’arrêt des soins thérapeutiques. La mort, vainqueur par KO au terme d’un combat de tous les instants…
Le drame, épreuve sportive de haut niveau
Pour raconter ce drame profondément intime, Gaël Leiblang a choisir l’allégorie du sport, domaine qu’il connaît bien en tant qu’ancien journaliste sportif puis réalisateur de documentaires sur les légendes du sport. Un choix habile qui, en plus de donner un rythme haletant au récit, offre la possibilité d’évoquer la puissance, l’intensité des émotions rencontrées tout au long de ce cheminement avec une distance et une pudeur qui permettent d’échapper à toute forme d’apitoiement.
Ainsi, c’est en faisant de la corde à sauter qu’il explique l’effort immense fourni par sa femme tandis qu’elle s’apprête à accoucher avec deux mois d’avance de leur champion ; c’est en courant sans s’arrêter qu’il décrit la réalité glaçante du service de réanimation ; c’est à travers un combat de boxe qu’il encaisse les mauvaises nouvelles qui pleuvent comme les coups et le font plonger au fond de lui-même ; c’est par l’alpinisme qu’il cherche des prises, des points d’appui pour gravir cet Everest malgré vent et brouillard, pour ne pas basculer dans le vide…
Tu seras un homme papa, un récit d’une grande pudeur
La scénographie de Thibault Amorfini est sobre, les jeux de lumière discrets, le plateau nu. Seuls quelques accessoires de sport s’invitent. Ce n’est pas un comédien qui se tient devant nous mais un homme, un père. Debout et droit, avec son drame et sa sincérité. Et l’on sent qu’il est remonté sur le ring depuis cette tragédie, que le récit qu’il nous livre n’est plus au stade de la catharsis, que le processus de résilience a fait son chemin. Il libère ici avec beaucoup de délicatesse et une puissante énergie vitale des mots trop souvent tabous, ceux qui parlent de la mort d’un enfant.
« De l’autre côté du ring, la responsable du service entourée de deux jeunes infirmières qui n’osent pas croiser notre regard. Elles n’ont pas l’air très balaises, pourtant elles vont nous casser la gueule. »
Cette pudeur nous a toutefois un peu tenus à distance. En effet, si l’on n’a pas l’expérience de la maternité ou de la paternité, si l’on ne connaît pas dans sa chair le lien qui unit un parent à son enfant, on peut avoir un peu de mal à accéder à l’émotion. Même si, on a bien le cœur qui se serre à quelques moments. Comme lorsque, dans l’inconscience du drame qui se joue, les messages déferlent sur son téléphone pour féliciter les jeunes parents ; dans de rares moments de grâce où le temps suspend sa menace ; ou encore quand ce père meurtri libère enfin un cri silencieux…
Et puis on sourit devant cette marchande de glaces où s’écrit soudain le début d’une nouvelle vie, où ce père prend un nouveau souffle et, tenant par la main ses deux autres enfants, s’avance vers une nouvelle ligne de départ : celle du théâtre, du seul en scène. On sourit devant la vie et l’amour qui triomphent. L’émotion nous a finalement trouvés. Et c’est ainsi que Gaël Leiblang offre à ce fils tant chéri une existence que le public n’aura probablement de cesse de se lever pour applaudir.
Tu seras un homme papa, de et avec Gaël Leiblang, mise en scène Thibault Amorfini, se joue au Théâtre La Luna, du 7 au 29 juillet, à 18h50.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
C'est un combat pour la vie que nous livre Gaël Leiblang à travers le journal de bord des 13 jours d’incertitudes, d’espoirs, de tendresse et de larmes qu'aura duré la vie de son fils. Une épreuve physique et émotionnelle qu'il incarne dans les mots et dans le corps avec l'endurance d'un champion.