Rentrée 42, Bienvenue les enfants ! nous fait vivre un jour de rentrée des classes en 1942 où 109 élèves sur 123 manquent à l’appel.
Rentrée 42, Bienvenue les enfants ! nous ouvre les portes d’une salle de classe du 11ème arrondissement de Paris le 1er octobre 1942. C’est la veille de la rentrée des classes et les maîtresses se retrouvent pour préparer cette reprise. Mais le lendemain, à 8h25, il n’y a que 14 élèves sur 123.
Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Que fait-on ?
On a beau se douter un peu de ce qui nous attend, difficile de ne pas avoir envie d’en savoir plus sur ces inquiétantes absences. Cette nouvelle création de Pierre-Olivier Scotto & Xavier Lemaire faisait partie de nos espoirs pour cette nouvelle édition du Festival OFF. Et nous avons pris beaucoup de plaisir à la découvrir !
Retour à l’école
Le décor de Caroline Mexme nous emmène dans une salle de classe plus vraie que nature avec son tableau à craie, sa carte de France, son estrade, sa porte ouverte sur le couloir et… son portrait de Pétain ! Oui bon, une salle de classe de 1942 forcément. La Directrice à l’assurance tranquille, interprétée avec brio par Anne Richard, est occupée à tout mettre en place aux côté de Monsieur Bastien, le concierge, avec ses discours à rallonge et ses blagues un peu lourdes, joué par Dominique Thomas, qui porte fièrement sur sa blouse sa décoration d’ancien combattant de la Première Guerre mondiale.

L’école élémentaire de filles « Victor Hugo » s’apprête à accueillir ses nouvelles élèves, et les maîtresses qui arrivent les unes après les autres s’en réjouissent. Il y a Melle Courcelle, avec son énergie toute printanière, son éducation bourgeoise et son admiration pour Pétain, joliment incarnée par Fanny Lucet. Elle entretient des rapports tendus avec Mme Ricou, au tempérament révolté et obstiné, qui lui reproche d’avoir pris la place de la précédente maîtresse, partie sans que personne ne sache véritablement pourquoi. Nous avons adoré Émilie Chevrillon dans ce rôle.
Elles sont rejointes par madame Tati, une maîtresse boute-en-train passionnée par son métier, rôle qui va comme un gant à la pétillante Isabelle Andréani que nous avions découverte dans la précédente pièce de Pierre-Olivier Scotto mise en scène par Xavier Lemaire, Là-bas de l’autre côté de l’eau, qui abordait la guerre d’Algérie. Ces quatre femmes aux tempéraments très différents vont affronter ensemble la situation exceptionnelle dans laquelle elle se trouve tandis que la majorité de leurs élèves sont absentes…
Rentrée 42, une école désertée
Elles cherchent des explications, mais personne ne semble vouloir leur en donner. Alors elles mènent l’enquête, chacune y allant de ses interprétations et de ses inquiétudes. Pour Madame Ricou, c’est certain, ces familles – toutes juives – ont été déportées en douce par la police française lors d’une rafle qui aurait eu lieu en juillet. Elle n’a pas peur de dire ce qu’elle pense. « Tant que les gens sont sourds, je crierai ! » proteste-t-elle.

Ce qui n’est pas pour rassurer madame Tati dont les lamentations perpétuelles font d’abord rire… avant de nous agacer un peu par leur exagération et leurs décibels. Bien qu’elle aussi inquiète, la Directrice garde son sang-froid et tente de réagir au mieux, de s’adapter, de réinventer le fonctionnement de l’école. Mais ses initiatives ne vont pas du tout plaire à l’inspecteur de l’éducation nationale qui finit par venir à leur rencontre. Et cette entrevue mouvementée va prendre une tournure des plus imprévues…
Le rire comme forme de résistance
Après un démarrage qui s’étire un peu, bien que nous soyons en très bonne compagnie, l’arrivée de cet inspecteur vient redonner du rythme et dynamiser l’ensemble. D’autant que Michel Laliberté est brillant dans ce rôle détestable. En effet, c’est un inspecteur qui promeut l’inégalité et clame que « la démocratie est un fléau », entre autres répliques qui viennent piquer les oreilles. Le texte de Pierre-Olivier Scotto et Xavier Lemaire est vif et non dénué d’humour. ll nous régale particulièrement dans cet acte.

On traverse cette terrible période de l’histoire sous un angle pas si souvent abordé au théâtre et pourtant l’un des plus tragiques survenus en France sous l’Occupation, celui de la rafle du Vél’d’Hiv qui a vu plus de 13000 juifs parisiens arrêtés par la police française en deux jours. Et l’on est forcément touché par ces femmes passionnées, dévouées à leur métier et attachées à leurs élèves, qui se trouvent confrontées à une réalité impensable. Sous nos yeux, elles se transforment en véritables héroïnes du quotidien. Bien décidées à ne pas se laisser abattre elles vont organiser leur propre résistance.
Nous avons passé un très bon moment dans cette salle de classe même si, nous avons eu en la quittant la sensation qu’il nous avait manqué un petit quelque chose pour en faire un moment mémorable. Sans doute que toute l’énergie déployée aurait gagné à céder davantage de place à l’émotion. On applaudit tout de même chaleureusement.
Rentrée 42, Bienvenue les enfants !, de Pierre-Olivier Scotto & Xavier Lemaire, mise en scène Xavier Lemaire, avec Anne Richard, Isabelle Andréani, Émilie Chevrillon, Fanny Lucet, Dominique Thomas, Michel Laliberté, se joue au Théâtre La Luna, du 7 au 29 juillet, à 16h50.
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Avis
Cette pièce aborde une part sombre de l'Histoire avec une dose de réalisme, soutenu par une bande sonore mêlant sons d'actualité, chanson d'époque et musique originale. Pour autant l'écriture et la mise en scène offrent une certaine légèreté et des moments cocasses.