Le journal d’un fou est une adaptation brillamment interprétée de la nouvelle de l’écrivain russe Nikolaï Gogol, écrite en 1834.
C’est dans le journal intime d’Auxence, employé d’un ministère russe sous le règne de Nicolas Ier, que nous immerge Le journal d’un fou. Le travail de ce modeste fonctionnaire est de tailler des plumes pour le Directeur du ministère. Mais lorsqu’il rencontre la fille de ce dernier, il en tombe « follement » amoureux. Et c’est là que les hallucinations débutent et que notre héros perd peu à peu contact avec le réel.
Une descente aux enfers
Si la folie apparaît assez rapidement dans la pièce, on la regarde d’abord rôder, s’insinuer lentement. Et cela commence quand Auxence surprend une conversation de Medji et se met à l’espionner. Medji, c’est le chien de celle qu’il aime. Il s’étonne alors de voir et d’entendre des choses qu’il n’entendait pas et ne voyait pas avant. Nous, on sourit devant cette première hallucination. Si ce n’est que ça…
Mais les choses s’aggravent rapidement, jusqu’à ce que la folie se mette à envahir tout l’espace, comme un venin qui se propage. Le moment de bascule est traduit par une scène un peu surréaliste qui marque efficacement ce point de rupture avec le réel. Des jeux de lumière accompagnent une musique psychédélique tandis que les battements de cœur résonnent et s’accélèrent à mesure que la respiration s’affole. Dès lors il se croit roi, pense être l’objet d’une machination, et est convaincu que « Demain, à sept heures, il arrivera une chose étrange : la terre s’assiéra sur la lune.»
Un voyage dans les méandres de la folie
On peut avoir du mal à entrer dans l’univers de Gogol, ainsi que dans cette période de l’histoire dans laquelle la mise en scène nous projette avec sobriété. D’autant qu’il ne se passe, au fond, pas grand chose dans cette nouvelle dont le but est surtout de nous faire pénétrer l’esprit perturbé d’un homme.
Mais ce voyage intérieur se déroule d’une manière captivante. Il permet de saisir les émotions multiples qui jalonnent le parcours du personnage vers la folie, d’explorer son cheminement intime. Fragilité, peine, incompréhension, peur, colère, souffrance s’entremêlent dans un monologue d’une grande intensité. On rit, on est ému, on s’interroge, on aimerait lui tendre la main… En réalité, tout repose sur l’interprétation de ce personnage névrosé et attachant.
Une performance saisissante
Pour être honnête, nous avons laissé cette pièce de côté pendant un moment avant de décider, finalement, de lui laisser sa chance. L’histoire ne nous tentait pas trop, mais nous avions cette étrange intuition… Peut-être à cause de ce coup de cœur l’année passée pour une pièce à la thématique similaire, bien que très différente, Voyage dans les mémoires d’un fou. Et nous avons bien fait. Car nous serions effectivement passés à côté d’un jeu d’acteur comme rarement nous en avons vu.
Que l’univers et le propos de la pièce intéressent ou non, nous avons presque envie de dire : qu’importe ! Car la prestation de Sylvain Zarli suffit amplement à mériter le déplacement. En effet, le comédien ne joue pas son personnage, il est littéralement habité par lui ! Du grand art. Et c’est vraiment beau à contempler. L’énergie qu’il déploie sur scène, tout comme l’égarement qui se lit dans son regard sont hypnotiques et troublants de sincérité. Un comédien que nous allons suivre de près !
Le journal d’un fou, écrit par Nicolaï Gogol, avec Sylvain Zarli, mise en scène par Stéphanie Zimani, se joue au théâtre La croisée des chemins, à Avignon, du 05 au 28 juillet 2019 à 20h15. Relâche le 08, 15 et 22. Puis, au théâtre La croisée des chemins, à Paris, du 13 septembre au 01er novembre 2019.
[UPDATE 2022] Se joue le 08 octobre 2022, à 20h30, au Théâtre du Gymnase.
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