Le toit du monde nous plonge dans le Paris de 1945, où Henry est à la recherche de son frère disparu sans laisser de trace.
Henry est à la recherche de son frère disparu. Des années qu’il ne l’a pas vu, séparés par l’Histoire, par une histoire qu’il va conter au policier du commissariat dans lequel il se rend pour mener son enquête, et qui va nous plonger en 1945. Qu’y a-t-il de si important à l’intérieur du tableau qu’il cherche ? Quel rapport avec ce frère absent ? Quel secret cache Henry ? Cette jolie création nous confronte à ce que l’humain a de plus courageux, mais aussi de plus complexe, de plus ténébreux.
Survivre coûte que coûte
Antoine et Henry Vernot sont deux frères que tout oppose, surtout l’amour de leur père. Car Henry était le chouchou de ce dernier qui ne s’en cachait pas. C’est d’ailleurs à ce fils préféré qu’il a légué sa boutique de fruits et légumes. Alors forcément, la relation entre les deux frères n’est pas au beau fixe, surtout quand le moins aimé des deux se retrouve en prison et prend alors une direction qui, à sa sortie, le mènera tout droit dans les rangs de la haine.

Mais ne vous fiez pas aux apparences car l’ombre peut se cacher partout. Là où elle ne se cache pas en revanche, c’est dans le cynisme et la monstruosité de ceux qui persécutaient, déportaient, assassinaient sauvagement des familles entières dont le seul « crime » à leurs yeux était d’être juifs, homosexuels, résistants… Homosexuel et résistant, c’est d’ailleurs ce que doit dissimuler Henry coûte que coûte s’il tient à rester en vie.
Le toit du monde : une création moderne et ingénieuse
Alors l’amour se cache, se reporte à plus tard, et c’est à la nuit tombée que les tracts pleuvent sur la ville, jetés depuis « le toit du monde », tout en haut de l’immeuble d’Henry… Car le danger rôde, se rapproche. Les rebondissements qui s’enchaînent alors avec beaucoup de fluidité nous entraînent vers un final aussi efficace que troublant qui donne aux choses une autre perspective.

La scénographie de Romane Perron repose essentiellement sur un ingénieux décor fait de cagettes empilées qui roulent, se déplacent et se réagencent sans cesse pour faire évoluer les lieux et accompagner les actions avec beaucoup de fluidité, même s’ils pourraient être légèrement réduits pour éviter de parasiter parfois inutilement notre attention. D’autant plus ingénieux que pertinent car directement lié à la thématique puisque l’histoire se déroule en partie dans le magasins de fruits et légumes d’Henry.
Deux comédiens qui nous transportent
Pour autant, cela ne nous empêche pas de nous laisser embarquer dans cette histoire bouleversante, rythmée, intensément vivante et profondément humaine, qui progresse toutefois un peu vite à certains moments. Le texte et la mise en scène de François Rivière sont d’une grande modernité et donnent lieu à des scènes émotionnellement et visuellement fortes, soutenues par la création son de Lucien Pesnot et la création lumière de Sarah Dancer, que les deux comédiens habitent avec un plaisir du jeu et une complicité perceptibles.

Le talentueux Romain Poli, que nous avions applaudi dans la comédie dramatique Believers, l’une de nos pépites du festival d’Avignon 2022, dévoile ici encore une jolie présence qui le rend touchant et attachant. Il donne la réplique au surprenant Malou Gilbert qui donne vie à plusieurs personnages avec beaucoup d’habileté, passant de l’interprétation fougueuse du frère à celle toute en sensibilité du compagnon d’Henry, celle terrifiante du SS, ou encore celle plus légère et drôlatique du policier. L’ensemble est prenant, efficace, et devrait se faire une jolie place dans le paysage d’Avignon.
Le toit du monde, écrit et mis en scène par François Rivière, avec Romain Poli et Malou Gilbert, se joue du 5 au 26 juillet 2025 à l’Espace Martial, à Avignon.
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Avis
Si l'on ressent que la plume est trempée dans l'encre de notre époque pour dépeindre ces années de guerre, les thématiques évoquées résonnent suffisamment avec l'actualité pour que cela ne soit pas dérangeant et amène justement à créer un pont entre ces deux temporalités.