Violences conjuguées est un seul en scène de Bryan Polach qui parle avec douceur d’un traumatisme.
Pas de grand décor pour Violences conjuguées, pas d’accessoire non plus. Simplement un caisson noir centre scène sur lequel s’asseoir, et un comédien : Bryan Polach. Debout devant nous habillé d’un simple jogging gris, de baskets bleues et d’un tee-shirt rouge, il arpente cet espace qui est le sien. Le récit ? C’est son histoire, ou plutôt sa réflexion, son cheminement, sa mise à nu. Bryan ne cherche pas à cacher qui il est et se révèle à nous avec ses fragilités, sa colère et ses peurs.
Violences conjugales
Ce seul en scène est né d’une peur et d’un désarroi, d’un besoin de comprendre pourquoi, de se comprendre. Son histoire familiale, Bryan ne l’a pas choisie mais a dû se construire avec, même si les souvenirs sont flous ou n’existent pas. Son corps, quant à lui, s’en souvient et parle pour les lui rappeler. Bryan a tout vu, tout subi, de la violence de son père. Il a connu jusqu’à ses 3 ans les violences conjugales, des violences conjuguées ; elles existent, elles sont nombreuses, elles s’additionnent, elles se décuplent.
Pour construire son spectacle, Bryan Polach est parti de l’enregistrement de sa mère. Elle lui raconte les violences infligées par ce mari qu’elle a quitté mais qui a continué à la harceler et à la violenter. Bryan lui prête sa voix et est tour à tour sa mère, son père, sa femme Karine, ses sœurs Caro et Gaëlle, son beau-père. Il alterne entre les différents personnages et bien qu’il ne soit pas toujours évident de les différencier, on s’habitue à son jeu, aux mimiques et aux intonations qu’il donne à chacun d’eux. On apprend à les connaître et Bryan se livre avec une sincérité profonde et douloureuse.
Se souvenir
Bryan Polach ne perd pas de temps et nous immerge directement dans son histoire, sans que l’on sache exactement de quoi il parle. Les premières minutes sont un peu floues et paraissent brouillonnes. Il mentionne sa dysplasie, un coup de genou dans le ventre de sa mère enceinte, les paroles d’un médecin. Il parle de la création du spectacle avec Karine, de son père. Puis, peu à peu, l’histoire se construit et on assemble avec lui les pièces du puzzle.
Quand on a vécu un traumatisme, le plus dur est de s’en souvenir avec précision. La mémoire occulte, l’inconscient déforme. Oublier est un un moyen de survivre. Violences conjuguées parle de cette divergence des souvenirs, du besoin de reconstruire pour comprendre, sans forcément y parvenir.
Dépasser la violence
Bryan Polack est émouvant parce qu’il parvient à s’abandonner à ses émotions sans les dissimuler. Son spectacle à beau manquer parfois de rythme et de patine, il nous touche par sa sincérité. Bryan nous parle de cette violence qui est en lui, celle dont il a hérité et qu’il a peur d’infliger à son tour. Cette rage qu’il essaie de canaliser explose lors de magnifiques séquences où il danse les scénarios qui se déroulent dans sa tête. On le voit se battre, immoler un homme, lui arracher un morceau de peau avec les dents ; accédant ainsi à ses pensées les plus profondes. Mais alors, comment faire pour dépasser ce trauma ? Bryan a trouvé : il doit comprendre ces Violences conjuguées.
Violences conjuguées, écrit et mis en scène par Karine Sahler et Bryan Polach, avec Bryan Polach, se joue du 9 au 21 juillet 2024 à 20h au 11.Avignon.
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Avis
Violences conjuguées est un seul en scène de Bryan Polach d'une immense fragilité. Le récit d'une vie, d'une réflexion, d'une recherche de souvenirs. Un texte sincère sur la violence et les traumatismes.