Tais-toi quand tu parles ! est un roman qui nous emmène dans la vie de Shadee, une Afro-française trentenaire vivant en banlieue parisienne.
Tais-toi quand tu parles ! est le premier roman de Dido Mbalu Grédigui. À la manière d’un journal intime, elle nous décrit le quotidien de Shadee, une jeune femme de son époque, au caractère affirmé et à la vie bien rythmée. On la suit donc dans sa vie de bureau d’une agence de communication, ses sorties avec ses copines, ses relations avec sa famille, ses histoires d’amour un peu compliquées et notamment sa relation toxique avec un garçon qu’elle n’arrive pas à quitter…
Et si le style pétillant et plein de répartie a d’abord attiré notre curiosité, il n’aura finalement pas suffi à nous convaincre.
« Paris ma capitale, ma joie, mon trou budgétaire entre Coca à 6€, amendes à foison, bouchons, parking à 10 000 francs CFA, boutiques de créateur à 100€ la jupe… Mais bon, on doit passer par là pour se vanter de vivre dans une des villes les plus glamour du monde.«
Un roman résolument urbain
Shadee décrit son quotidien tel qu’il est, mais aussi tel que l’imaginent sa famille, ses amis, et tel que l’ignore Biggum, le « malheur de sa vie ». Car, ils ont beau être séparés depuis trois années pendant lesquels bien d’autres filles ont défilé dans ses bras, entre eux le lien est élastique. C’est à dire que même quand il se tend pour les éloigner un peu… il finit toujours par lui claquer à nouveau au visage.
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Mais ce n’est pas tant ce qu’elle nous raconte que la manière dont elle le fait qui capte l’attention. C’est ce franc-parler, cette façon de se rire des situations et de s’affirmer telle qu’elle est. C’est aussi cette habileté à jouer avec les mots, son sens de la formule. Comme lorsqu’elle confie, par exemple, qu’elle aime « porter le tanga » dans le couple ! On sourit souvent, et cette Shadee devient vite notre bonne copine.
Car, derrière cette plume au style très contemporain et dynamique qui s’abreuve des références de notre époque et des années 90-2000, on devine une jeune femme mue par l’envie de partager les préoccupations, les ressentis, les questionnements de sa génération. Mais aussi celle de faire découvrir ce à quoi peuvent ressembler les aspirations d’une femme noire qui tente de trouver l’équilibre entre ses racines africaines et occidentales.
Trop c’est trop
Bon, vous l’avez compris, il y a un « mais ». C’était plutôt bien parti pourtant… Malheureusement, ce qui nous a attirés et séduits dans ce roman est aussi ce qui nous a lassés et fait abandonner la lecture à mi-chemin. Car si cela fait d’abord sourire de retrouver toutes ces petites choses qui font partie de nos souvenirs et/ou de notre vie de tous les jours, assez rapidement, ça vire à l’overdose. Overdose de noms de marques, de noms de stars, de références en tous genres, de listes à puces, de commentaires de texte, de langage parlé…
« C’est pathétique de pleurer entre des Reebok Classiques, des Stan Smith et des Jordan (oui, je suis une fille qui aime les basics), dans les films ils font ça bien, ils pleurent eu milieu de robes Chanel, Eli Saab ou même J.Crew, mais dans ma vie à moi c’est parmi les odeurs de baskets. »
Trop de ce qui fait le quotidien en fait, sans forcément correspondre au nôtre d’ailleurs. Du coup, la lecture est plaisante, l’héroïne sympathique, mais ça manque d’intrigue, d’évasion, d’intérêt. On a quand même insisté un peu car on avait envie de l’aimer, ce livre, pour plein de raisons. Mais la forme envahit le fond et c’est l’ennui qui prend rapidement le dessus.
Une lecture pour les 15-25 ans
Pour autant, si nous sommes passés à côté, nous ne le déconseillons pas forcément. C’est plutôt une question de cible. En effet, ce livre a sans doute davantage de quoi séduire les jeunes citadins – pour ne pas dire parisiens – de la génération Z qui ne manqueront pas de se retrouver dans Shadee.
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Car elle représente plutôt bien son époque – celle où on googlise les gens au lieu de leur poser des questions. Et elle invite subtilement, à travers son propre chemin de vie, à questionner des thématiques importantes comme le rapport à l’autre, aux réseaux sociaux, à son image, à ses racines, ou encore la dépendance affective. Le féminisme ? À toute petite dose alors. Les « poufs niveau top cagoles » et « les moches » confirmeront.
Tais-toi quand tu parles !, de Dido Mbalu Grédigui, est paru le 18 janvier 2021 aux Éditions La Bruyère.
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Avis
Ce roman léger, très frais et contemporain parlera inévitablement à sa génération. Mais le style ne fait pas tout et il nous a manqué du rythme et de l'intrigue pour garder notre attention au fil des pages.