L’étrange affaire Émilie Artois est un thriller psychologique dans lequel un interrogatoire tout à fait banal se transforme en un jeu de manipulation déroutant.
Le thriller est un genre exigeant où chaque détail compte pour que la crédibilité soit au rendez-vous. Une exigence décuplée pour les amateurs du genre, que nous sommes. Et en ce sens, L’étrange affaire Émilie Artois ne nous a pas semblé à la hauteur. Toutefois, et malgré quelques défauts majeurs, ce huis-clos nous a plu. Il offre un moment de théâtre original, captivant, et intelligemment mis en scène.
Une intrigue efficace
Émilie Artois. Voilà bien un personnage aussi captivant qu’énigmatique ! C’est bien simple, nous ne l’avons pas quittée des yeux un seul instant ! Et pour cause, cette jeune femme interrogée pour un « simple » vol de carte bancaire, sème le trouble de manière totalement inattendue. Il faut dire qu’Élena El Ghaoui est éblouissante dans ce rôle de femme fatale. Car, en plus d’avouer immédiatement ce qui lui est reproché, elle reconnaît avec un calme et une assurance déconcertants d’autres faits bien plus graves. Et c’est un véritable jeu du chat et de la souris qui commence alors. Victime ? Affabulatrice ? Meurtrière ? Difficile de cerner cette manipulatrice hors-pair qui nous déstabilise en permanence. Et on finit par se demander qui interroge qui dans ce huis-clos haletant, brillamment écrit et sans temps mort.

Une mise en scène cinématographique
Bravo à Damien Dufour pour la mise en scène soignée et la musique de ce thriller ! Deux éléments de cette pièce particulièrement réussis, qui donnent à l’ensemble une atmosphère sombre digne des meilleurs polars. La tension est palpable dès les premiers instants et ne cesse de grandir. Et la caméra présente sur scène comme principal accessoire (avec la machine à café, dont l’usage excessif n’apporte quant à lui pas grand chose) ajoute au trouble ambiant. Quant au générique, qui vient mettre la scène sur pause pour se projeter derrière elle : voilà un choix brillant et très esthétique qui réussit son effet ! Pas comme la scène de danse… En effet, même si nous adorons ce mélange des genres, ici, il arrive comme un cheveu sur la soupe, n’apporte rien à l’histoire et nous a laissés de marbre.
Un vrai manque de crédibilité
Oui, nous avons été séduits par cette pièce qui rassemble tous les ingrédients pour que le succès soit au rendez-vous. Tous sauf un, et de taille : la crédibilité. En effet, elle a manqué dans quelques points de détails, mais avant tout dans le jeu d’acteurs. Car, si Élena El Ghaoui nous a littéralement hypnotisés par son jeu d’une grande sensualité, il n’en est pas de même de l’interprétation de Lucas Andrieu, dont nous avons clairement préféré le talent d’écriture. De plus, nous n’avons pas cru en la personnalité excessivement fragile et nerveuse de cet inspecteur de police (pas armé ?) – certes novice – mais totalement dénué de sang froid, et qui tourne de l’œil à la simple vue d’une photo de cadavre !? Une trop grande sensibilité et une vocation mal choisie ? Pourquoi pas, mais le dosage est à revoir. Le dénouement manque également de clarté, et nous a laissé avec beaucoup trop d’interrogations.
L’étrange affaire Émilie Artois, de Lucas Andrieu et Emma Baudoux, avec Lucas Andrieu et Elena El Ghaoui, mise en scène et musique par Damien Dufour, se joue au Théâtre de la Contrescarpe, à Paris, les samedis et dimanches à 19h jusqu’au 29 septembre 2019.
