Alors que Charlie, mon héros est ressorti en vidéo, il est temps de reparler de Rick-o-Rico, autre film méconnu de Don Bluth désormais disponible chez Rimini Editions. Le début de la fin pour ce réalisateur, mais cet oubli était-il justifié ?
Après avoir enchainé plusieurs chef-d’oeuvres, notamment produits par Spielberg (Fievel et le Nouveau monde, Le Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles), Don Bluth opérait son premier échec commercial avec Charlie, mon héros. Un film à l’écriture moins maîtrisée, mais qui demeurait bien pertinent par ses thématiques et une animation des plus réussies. En 1991, Bluth rempile avec Rock-o-Rico (Rock-a-Doodle au pays de l’Oncle Sam), nouvelle aventure cette fois plus familiale mais avec encore plus d’animaux !
Rock-o-Rico débute de manière musicale, alors que le coq Chantecler (doublé par Eddy Mitchell) chante au petit matin pour que le Soleil se lève. Véritable star (et héros) de la basse-cour, il apporte joie et gaieté lors de chaque aurore. Cependant, le Grand Duc des Hiboux va envoyer un de ses sous-fifres un matin pour empêcher Chantecler de pousser la chansonnette. Ainsi, tous les autres animaux constatent que le Soleil se lève quand même, et se moquent du coq en le traitant de charlatan.
Qui veut la peau du Coq Chantecler
Dégoûté, Chantecler quitte la ferme pour rejoindre la ville, laissant les Hiboux se satisfaire d’une nuit pluvieuse et de tempêtes sans fin. Parallèlement, nous découvrons que tout ceci est en réalité un conte lu par le jeune Edmond, au même moment où la tempête fait tomber un arbre dans sa chambre. Apeuré, il invoque l’aide de Chantecler, mais le Grand Duc débarque pour transformer Edmond en chaton, et l’immerger dans le monde animé du conte.
Ainsi, Rock-o-Rico se veut une aventure où Edmond est l’avatar du spectateur, désireux de retrouver Chantecler en compagnie d’animaux de la basse-cour, avant que la tempête ne vienne tout ravager. Un postulat de base intelligent, avec une mise en abime (le film bénéficie d’une courte partie en live-action avec de vrais acteurs concernant la famille d’Edmond) intéressante et un rythme finalement sans temps mort une fois la recherche de Chantecler lancée. Un procédé pas si éloigné de celui de l’Histoire sans fin, mais beaucoup moins convaincant ici : Don Bluth n’est définitivement pas un directeur de comédiens et le tout parait encore plus suranné aujourd’hui, en plus de rompre la magie.
Animation virtuose pour style suranné
Autre problème : la facture visuelle du film, qui en terme d’animation semble moins riche non seulement de ce qui se faisait à l’époque (pour rappel, on avait Aladdin et La Belle et la Bête au même moment), mais également des précédents exploits de Bluth, qui nous abreuvait de tableaux en tous genres. La faute sans doute à un budget bien moindre (et la suite de carrière de Bluth ne s’arrangera pas avant son association avec la Fox pour Anastasia), mais heureusement, Rock-o-Rico compense de faibles moyens par un véritable roller-coaster visuel.
Le rythme ne faiblit jamais, et là où Charlie, mon héros posait son intrigue et ses personnages (parfois au détriment du rythme justement), ici c’est tout l’inverse : peu ou pas de développement de personnage ni de parcours émotionnel. Les settings s’enchainent donc avec frénésie et une énergie qui tient bien l’ensemble. Le gros du film se déroule d’ailleurs dans un décor citadin cruellement anonyme et manquant d’incarnation. Alors que le scénario semble effectivement bien maigre, nous retrouvons Chantecler en simili-Elvis, à la fois acclamé pour ses talents, mais prisonnier d’une cage dorée auquel il aura du mal à se défaire.
Rock-o-Rico : le fun sans le fond
Une curieuse parenthèse inspirée qui n’ira pas plus loin que l’utilisation d’une iconographie connue du King, mais donnant une pincée d’épaisseur au personnage MacGuffin de Rock-o-Rico. Pour le reste, on se contentera de designs d’animaux variés, tantôt relativement attachants ou bien plus « effrayants » (on aura vu des Chouettes plus cauchemardesques dans Le Secret de Nimh). Passé un climax relativement efficace (mais abandonnant forcément la question du pourquoi le Soleil ne se lève désormais que grâce à Chantecler), Rock-o-Rico s’impose finalement comme un conte méta sur la puissance de l’imaginaire pour contrer nos peurs enfantines.
Rien d’original bien entendu, et le procédé de conjuguer live et animation se fait largement moins bien qu’un certain Qui veut la peau de Roger Rabbit ? sorti 5 ans plus tôt. Allié à un scénario classique qui opère le minimum syndical, Rock-o-Rico augurait le début d’une période de disette créative pour un Don Bluth néanmoins maître incontesté de l’animation. Malgré de faibles moyens, Rock-o-Rico se veut rythmé, plutôt fun et (parfois) incarné. Une parenthèse courte (la durée d’1h10 y est pour quelque chose), mais non dénuée d’intérêt…à défaut d’être inoubliable !
Rock-o-Rico est disponible en DVD et Blu-Ray chez Rimini Editions
avis
Rock-o-Rico est le 1er vrai maillon faible d'une filmographie jusqu'ici impeccable pour Don Bluth. Abandonnant toute profondeur dans son récit ou toute thématique pertinente, le réalisateur accouche néanmoins d'une aventure colorée, extrêmement bien rythmée, aux multiples situations et à l'animation impeccable malgré un budget plus que modeste et une richesse moindre.
Un conte tout public qui ne révolutionne rien, mais qui est loin d'être déplaisant malgré son aspect suranné.
Le bonus : une remasterisation plus que correcte !