Peu importe pousse à l’extrême l’usure de la relation d’un couple enfermé dans son incapacité chronique à communiquer.
Simone et Erik se débattent avec leur couple au beau milieu d’un quotidien qui n’a rien d’un cadeau avec ses compromis, sa charge mentale, ses sacrifices, sa jalousie, ses ressentiments. Le portrait féroce, teinté d’humour, mais assez peu nuancé, d’un couple au sein de notre société contemporaine.
Un cadeau empoisonné
De retour d’un voyage d’affaires, Simone retrouve Erik, son mari, qui l’attend dans leur appartement, au beau milieu d’un amoncellement de paquets cadeaux encore emballés. Elle lui en a d’ailleurs rapporté un nouveau. Elle aimerait que l’attention l’enthousiasme, mais Erik n’aime pas les surprises. Ce cadeau devient alors le prétexte à un florilège de reproches qui vont se précipiter comme s’ils n’attendaient que ça depuis des jours, des semaines, des mois.

Se sent-elle coupable de partir ainsi régulièrement pour son travail ? de le laisser gérer tout l’intendance de leur vie de famille, le quotidien, les enfants, à lui dont le métier de traducteur lui permet de télétravailler ? de toujours se plaindre quand elle rentre, de son patron surtout ? Et que sait-elle de la vie qui se déroule ici sans elle, de ce qu’il vit lui, de comment il se sent ? Leur échange est incisif, amer, parfois cynique. Chacune de leur réplique semble creuser un peu plus le gouffre au bord duquel ils se tiennent.
Je ne t’aime plus mon amour
Le texte de Marius von Mayenburg est dense, le rythme effréné, les mots fusent comme des balles. Le couple prend toutes les impasses : très vite, il n’y a plus de communication entre eux, plus d’écoute ni de bienveillance. L’agressivité s’invite au milieu des reproches, l’un prête à l’autre des intentions, l’autre interprète, détourne les propos de l’un, et inversement…

Inversement au sens propre, d’ailleurs, puisque les rôles s’inversent soudain, et tout recommence. Cette fois, c’est Erik qui rentre d’un voyage d’affaire avec un cadeau pour Simone, restée à la maison avec leurs deux enfants. Les retrouvailles ne seront guère plus chaleureuses dans cette configuration. Car peu importe, au fond, ce n’est pas un plus que l’autre mais simplement le couple qui dysfonctionne. Et tandis que l’histoire progresse vers le déballage de ce fameux cadeaux qui a allumé la mèche, d’autres inversions ont lieu.
Peu importe : on prend les mêmes et on recommence
La performance de Marilyne Fontaine et Assane Timbo est impressionnante et admirable. Et rien que pour cela, la pièce vaut le détour. Les deux comédiens s’emparent de tout leur corps et de toute leur énergie de cette caricature du couple qui ne se comprend plus et patauge dans un marécage de ressentiments, se livrant un face à face sans pitié, un véritable ping-pong verbal où chacun n’écoute en réalité plus que soi, et encore…
« Tant que l’on pense que tout va changer, le présent n’est pas un problème. »
Pour autant, l’inversion des rôles n’a pas suffit à rendre la répétition d’une grosse partie de la pièce suffisamment captivante, et nous avons fini par décrocher à quelques moments. Nous nous sommes d’ailleurs questionnés sur l’intérêt de cette inversion, dont le rendu est très similaire. Qu’est-ce sensé questionner, souligner ? À quoi bon démontrer deux fois de suite le même constat pessimiste ? Nous sommes repartis sans rien de plus que ce avec quoi nous étions venus. Dommage.
Peu importe, de Marius von Mayenburg, mise en scène & traduction Robin Ormond, avec Marilyne Fontaine et Assane Timbo, se joue jusqu’au 4 janvier 2026 au théâtre La Scala Paris.

Avis
Mieux vaut être bien accroché à son fauteuil car ça fuse tout au long de ce spectacle ! Si nous avons eu le sentiment de tourner un peu en rond, le texte n'en reste pas moins jouissif et la performance des deux comédiens d'un naturel bluffant.

