Raconter une histoire, c’est bien. Mais avoir un fil conducteur et s’y tenir, c’est quand même mieux. C’est tout le problème de Jennifer Reeder dans Perpetrator. Pop et stylisé, mais qui part un peu (trop) dans tous les sens…
Jonny Baptiste (Kiah McKirnan) est une adolescente insouciante envoyée chez sa tante Hildie, avec laquelle elle n’avait plus de contact. Le jour de ses 18 ans, elle subit une métamorphose radicale : un sort familial qui la redéfinit, appelé Forevering. Lorsque plusieurs adolescentes disparaissent dans sa nouvelle école, Jonny, sauvage et mythique, se lance à la poursuite du Perpetrator.
Sur le papier, le film s’annonce assez simple. L’ouverture de Perpetrator annonce – littéralement – la couleur. Sur fond de texture rouge sang, on découvre un générique montrant des instruments chirurgicaux, des poches de sang et ce qu’on comprend être un serial killer qui enlève des jeunes filles pour leur faire dieu sait quoi. Et pour être honnête, le générique est très bon. Le montage et la photographie rendent le tout angoissant et anxiogène et on appréhende chaque photogramme qui va suivre, de peur de découvrir encore plus horrible… On pense assister à ce qui pourrait être un film de David Fincher en mode fantastique. Mais finalement, ça n’arrivera pas et c’est bien dommage.
Malgré un générique très marquant, Jennifer Reeder nous dévoile un long-métrage très et surtout trop fourni. Le film semble diviser en trois parties, comme trois grosses thématiques, mais manque cruellement de liant. On se retrouve avec un cruel manque d’enjeux pour les protagonistes, laissant au film devenir une sorte d’exercice de style. Techniquement, on doit lui reconnaître de gros points forts, avec plusieurs scènes complètement fantastiques et sanguinaires (on adore). Perpetrator est pop et on sent que Jennifer Reeder prend du plaisir à réaliser, comme ses comédiennes à interpréter.
On notera au passage peut-être le plus gros point fort du film, ses personnages. Toutes les héroines sont très bien caractérisées, mémorables et identifiables rapidement. La dynamique inter personnage est fun et naturelle, ça glisse tout seul. On soulignera l’interprétation marquante de Kiah McKirnan qui fait transparaître une grande force au travers de l’écran.
Le casting est composé de nombreuses femmes fortes, ce qui fait toujours plaisir à voir. On a une vraie dynamique comique au travers des dialogues et de leurs interprétations. Ça fonctionne sur le moment, mais si on prend un peu de recul… Ça n’est vraiment que sur le moment. On constate finalement que le film est rempli de bonnes scènes, voire de bonnes séquences avec notamment un bon climax, mais manque vraiment de liant… Jennifer Reeder semble s’être un peu éparpillé et on aurait presque l’impression que le scénario aurait dû, voire pû être une mini-série plutôt qu’un long-métrage.
Perpetrator reste un film important, notamment par le fait qu’il aborde de nombreuses thématiques et combats féministes. Le point fort, c’est que Jennifer Reeder arrive même à les incorporer dans les enjeux dramatiques de son film. Mais le point faible, c’est qu’on revient toujours au global, au scénario, et ça coince un peu, voire ça tourne un peu en rond… On en oublie un peu les enjeux principaux et on préfère les sous-intrigues. Le film devient moins engageant pour le spectateur et on s’ennuie un peu…
Si le global reste pardonnable, on notera quand même un gros bémol en termes de montage. Jennifer Reeder utilise le jump cut à plusieurs reprises pour caractériser son héroïne punk, ce qui pourrait totalement fonctionner mais qui dans ce cas, ne fonctionne pas. Le pire reste dans l’utilisation et dans la représentation du fantastique et de certains pouvoirs surnaturels, avec l’emploi de ce qui semble être des deep fake générés par des IA. Cela reste à confirmer, mais on notera un rendu vraiment cheap…
Pop, rock, avec une imagerie plutôt propre au film, Perpetrator manque de liant et de « ce drame cinématographique »… On notera une narration très contemporaine, presque trop, comme si le métrage aurait plutôt dû être destiné à être une mini-série qu’un film. On retiendra cependant de fortes interprétations de la part du cast, un bon niveau de comédie au travers et une réalisation qui reste quand même marquée et personnelle de la part de la réalisatrice, Jennifer Reeder.
Perpetrator est actuellement en compétition au 31e Festival International du Film Fantastique de Gérardmer
AVIS
Perpetrator a une vraie personnalité. Mais... Il fonctionne moyennement en tant que long-métrage, étant donné que le film semble partir dans tous les sens plutôt que de suivre son fil conducteur... Dommage.