Partir un jour est le premier long-métrage de sa réalisatrice française, Amélie Bonnin, et ce dernier se retrouve propulsé directement en film d’ouverture du Festival de Cannes 2025 (Hors Compétition). On ne sait pas si on aimerait être à la place de la cinéaste ou non, étant donné la difficulté de passer en premier.
Et pour cette arrivée sur la case long-métrage, Amélie Bonnin adapte son propre court-métrage éponyme et compose une chronique douce et lumineuse aux accents musicaux. Partir un jour suit Cécile (Juliette Armanet), cheffe cuisinière lauréate de l’émission culinaire Top Chef, sur le point d’ouvrir son restaurant gastronomique à Paris. Sa vie bascule lorsqu’elle apprend simultanément sa grossesse et l’infarctus de son père (François Rollin). Ce double événement la contraint à un retour précipité dans son Grand Est natal, au sein du restaurant routier familial tenu par ses parents. Un canevas à la française, qui prend une saveur particulière en se révélant être une œuvre musicale.

On aurait pu craindre une accumulation de clichés, mais il ne fallait pas sous-estimer la finesse d’écriture d’Amélie Bonnin et Dimitri Lucas, ainsi que l’alchimie d’une distribution inspirée. D’emblée, le film tisse une atmosphère empreinte d’une sincère tendresse pour ses personnages et l’univers qu’ils habitent. Une mélancolie teintée d’espoir traverse le récit, portée par une réalisation qui sait se faire discrète pour mieux capter les émotions.
Une mélodie douce-amère
L’œuvre explore avec justesse les non-dits familiaux, les rêves envolés et ceux qui renaissent. Le retour de Cécile dans ce lieu qu’elle avait fui pour conquérir la capitale ravive des souvenirs et des tensions. Le scénario évite l’écueil du manichéisme, peignant des personnages complexes, parfois bourrus, mais profondément humains. La greffe musicale, loin d’être un artifice, s’intègre organiquement au récit avec des chansons populaires (de Dalida à K.Maro en passant par Stromae) devenant le vecteur des émotions inexprimées, un peu à la manière d’un On connaît la chanson (1997), le fabuleux long-métrage chanté d’Alain Resnais.

La photographie, naturaliste sans être austère, confère au film une patine authentique, donnant vie aux décors du restaurant routier et son ambiance si particulière. Amélie Bonnin ne cherche pas l’esbroufe visuelle, mais une justesse de ton qui sert impeccablement son propos.
Des interprètes au diapason
Au cœur de cette partition sensible, la distribution brille par son homogénéité et son engagement. Juliette Armanet, pour son premier grand rôle au cinéma, irradie l’écran. Elle incarne avec une belle douceur cette Cécile tiraillée entre ses ambitions parisiennes, son attachement familial et le spectre d’un amour de jeunesse ravivé par ses retrouvailles avec Raphaël (Bastien Bouillon, touchant). L’alchimie entre les deux acteurs est palpable, offrant des scènes pleines de charme et de nostalgie.

Tandis que François Rollin, que l’on connaissait pour son brillant talent comique dans Kaamelott, se révèle bouleversant en père taiseux, grognon et fatigué, capable d’émouvoir en reprenant Cécile, ma fille de Claude Nougaro. Dominique Blanc, en mère à la fois forte et fantasque, apporte une présence lumineuse et elle interprète son rôle avec un panache indéniable.
En soi, Partir un jour est une première œuvre maîtrisée, qui révèle une cinéaste dotée d’une véritable sensibilité. Amélie Bonnin signe un film qui, sous des dehors de comédie dramatique provinciale, aborde avec finesse les thèmes du déracinement, de la transmission et de la quête de soi. Indéniablement une nouvelle cinéaste de talent à suivre dans les prochaines années !
Partir un jour sort au cinéma le 13 mai 2025. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
Avis
Amélie Bonnin réussit la transformation de son court-métrage en un excellent long-métrage plein d'âme et de douceur. Ses segments musicaux apportent une dimension touchante qui n'a rien à démériter par rapport au fameux On connait la chanson d'Alain Resnais dont il est l'héritier spirituel.