Les Aigles de la République conclue la « trilogie du Caire » de Tarik Saleh, un corpus de trois films autour de la société égyptienne contemporaine entamé avec Le Caire confidentiel et suivi par La Conspiration du Caire (prix du scénario du Festival de Cannes 2022). Dans ce dernier volet, le cinéaste suédois d’origine égyptienne ne passe par quatre chemins pour représenter la dictature d’Abdel Fattah al-Sissi.
George Fahmy (Fares Fares) est l’acteur le plus célèbre d’Égypte, mais il ne s’avère pas très enclin à défendre la politique du dictateur égyptien publiquement ou dans son cercle privé. Ceci n’est pas très au goût des services de sécurité du pays qui souhaitent le voir jouer Sissi dans un film de propagande sur son ascension au pouvoir absolu – pardon, on veut dire sur son arrivée à la présidence, par la volonté du peuple, pour libérer le pays. Dos au mur, il va accepter le rôle pour le meilleur et pour le pire.
Déjà-vu, mais est-ce un mal ?
De ce pitch découle un récit captivant sur le système totalitaire mis en place par l’administration « Sissi » pour asservir la population, ainsi que ses personnages les plus médiatiques pour qu’ils servent le narratif d’un discours purement mensonger, dans le seul but de garder le pouvoir.

Certes, Tarik Saleh utilise des mécaniques maintes fois usées dans le genre du film d’espionnage ou paranoïaque (comme dans le cinéma américain des années 1970), mais c’est aussi parce que même si le monde change rapidement, que les moyens de communications évoluent à la vitesse d’internet et des réseaux sociaux, que les outils pour créer un système totalitaire sont de plus en plus à la portée de main des autocrates, il n’en demeure pas moins que les bonnes « vieilles méthodes » sont toujours d’actualité, aussi bien dans la réalité qu’au cinéma. De ce fait, on connait le chemin emprunté par le récit pour nous conter ce qu’il a dire, mais pour autant il nous fascine toujours et nous terrifie.
Un récit sous haute tension
Le cinéaste sait que le scénario des Aigles de la République possède ce qu’il faut pour captiver le spectateur. Encore une fois, il use d’un procédé narratif fort simple, mais ô combien efficace : on vit l’histoire à travers le regard du personnage principal, magnifiquement interprété par Fares Fares, et son point de vue nous emporte petit à petit dans ce couloir où l’obscurité est absolue lorsqu’on atteint le bout. Le cheminement, les interactions avec les autres personnages (excellent casting), ainsi que les pointes d’humour pour rendre digérable un monde qui provoquerait une indigestion à une pierre : l’ensemble fonctionne avec une logique implacable.

De plus, que ce soit le travail sur le montage ou les cadrages, le film s’avère parfaitement contrôlé et sans esbroufe. Tarik Saleh maitrise sa mise en scène pour faire grimper la tension jusqu’à la faire culminer à un instant charnière du récit qui le fait basculer dans une autre dimension.
Ainsi, Les Aigles de la République s’impose aisément comme un excellent thriller politique, profondément humain et organique, malgré des mécaniques scénaristiques usitées. On a beau connaitre le chemin, le trajet en demeure passionnant et terrifiant. Un film courageux et nécessaire pour décrire un système dangereux dont le cinéma se doit d’être à la fois le témoin et le procureur, tout en laissant la société humaine juge.
Les Aigles de la République sort le 22 octobre 2025 au cinéma. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
Avis
Tarik Saleh signe avec Les Aigles de la République un film fort et nécessaire sur le système d'oppression, nourri par la propagande, de la dictature égyptienne contemporaine, et ce, malgré un scénario aux mécaniques connues. Mention spéciale pour Fares Fares pour sa performance magnétique de vedette de cinéma pris dans l'engrenage politique !