Dans Le voisin de Picasso, Rémi Mazuel rend hommage aux artistes talentueux sur lesquels la lumière ne s’arrête pas.
Le voisin de Picasso est un seul-en-scène qui fait se refléter deux histoires : celle d’un peintre oublié et celle d’un comédien invisible. Le premier, c’est Alexis-Joseph Mazerolle, peintre académique de la fin du 19ème siècle. Le second c’est Antoine, un comédien que son agent vient de lâcher, et qui gagne sa vie en tant que gardien de musée.
Après avoir joué dans quatre épisodes de Louis la brocante, ce-dernier se retrouve donc dans l’ombre, tout comme son peintre fétiche dont les tableaux font rarement ralentir les visiteurs, pressés de découvrir ceux de Picasso, dans la salle voisine. Mais Antoine compte bien réhabiliter cet artiste oublié !
Un seul en scène mené de main de maître
Malgré quelques longueurs que des élans d’énergie ne parviennent pas à réduire durant le premier tiers du spectacle, on ne s’ennuie pas en compagnie de ce comédien qui maîtrise son sujet aussi bien que son art. Ainsi, le récit foisonnant de détails et d’anecdotes est animé par la passion évidente de Rémi Mazuel pour Mazerolle. Un récit auquel il donne vie en convoquant des personnalités marquantes de la vie du peintre oublié.
On assiste notamment à un cours à l’Académie des Beaux-Arts en compagnie de Sisley, Renoir, Monet. Et franchement, on s’y croirait ! Le jeu est précis, le texte est fin, les personnages sont solidement construits, et quelques traits d’humour viennent judicieusement aérer le contenu. Ce qui permet d’apprécier la dimension historique du spectacle, même si l’on n’est pas spécialement intéressé par la peinture.
Une réflexion sur l’Art
Rémi Mazuel nous parle de Mazerolle donc, peintre aujourd’hui méconnu mais artiste majeur de son époque qui a d’ailleurs décoré de nombreux lieux de spectacle comme l’Opéra Garnier ou la Comédie française. Et, à travers ce récit, c’est à une triste évidence qu’il nous confronte : le talent ne suffit pas. Et cette question qui traverse les siècles : que vaut notre art s’il n’est regardé par personne ?
Les amateurs d’Art apprécieront tout particulièrement ce seul-en-scène plein d’esprit et les messages qu’il transmet. Le propos est à la fois intelligent, instructif, touchant, et même drôle, si bien que l’on ne voit pas le temps passer jusqu’à un dénouement aussi inattendu qu’émouvant, qui vient impeccablement refermer le spectacle.
Un spectacle qui ne manque (presque) pas d’Art !
La mise en scène fonctionne assez bien. On regrettera juste un décor qui manque d’un petit quelque chose d’artistique. En effet, seul un portrait du peintre trône sur un chevalet. Dommage que quelques-unes de ses œuvres ne nous soient pas présentées, en étant projetées par exemple. Car il est un peu frustrant d’entendre parler d’un artiste pendant une heure sans jamais rien voir de son travail.
Mais peut-être s’agit-il d’une manière pour ce sympathique comédien d’aiguiser un peu plus encore notre curiosité et de nous amener à faire le pas vers cet artiste de l’ombre ; pour insuffler en nous l’élan d’aller le découvrir et faire ainsi exister son art. Et l’on imagine bien ce spectacle sensible, intelligent et original se décliner à d’autres artistes méconnus.