Adapté du roman éponyme de Richard Matheson (1956), L’Homme qui rétrécit avait eu le droit à une adaptation cinématographique américaine remarquable l’année suivante, entre les mains du cinéaste inventif Jack Arnold. Ce véritable bijou du film de genre, avec son questionnement existentiel fascinant, avait tous les ingrédients pour être adapté avec les moyens visuels actuels. Pour s’y attaquer, on retrouve le réalisateur Jan Kounen (Doberman, 99 francs, Coco Chanel et Igor Stravinsky, Mon cousin) qui déplace le récit à notre époque et en France.
Le pitch est d’une simplicité indéniable : du jour au lendemain, un homme (Jean Dujardin) se met à rétrécir petit à petit, sans que rien puisse être fait pour l’arrêter, sous le regard de sa femme impuissante (Marie-Josée Croze) et de sa fille… Changement de taille signifie changement d’échelle. L’homme doit s’adapter à chaque instant face aux nouvelles contraintes qu’il rencontre (trouver de la nourriture) et les nouvelles menaces (le chat de la maison et une petite bête velue).

Jan Kounen sous Xanax
On connaît l’amour de Jan Kounen pour une mise en scène assez féroce et un montage sous testostérone. Eh bien, vous allez être servi… Car rien de tout cela ne transparaît dans l’Homme qui rétrécit, de loin le film le plus contenu et maniéré du cinéaste. Si le Jan Kounen d’il y a 15 ans donnait l’impression d’être sous cocaïne, celui de nos jours semble sous Xanax. Les plans sont composés et sobres ; le montage propre et sans artifice. On sent le profond respect pour les deux œuvres originales (le livre et film de Jack Arnold), quitte à sacrifier son style pour lequel il est connu, afin de proposer une adaptation fidèle et respectueuse.

En ce sens, c’est la force et la faiblesse de cet Homme qui rétrécit. Kounen propose un long-métrage qui raconte ce qu’il a à raconter, mais qui demeure dans l’ensemble enfermé dans l’adaptation fidèle de son matériau d’origine. On regrette aussi des outils de narration à l’utilité plus que discutable. Par exemple, on pense à cette voix-off ampoulée qui ne trouve jamais véritablement sa place. Celle-ci semble toujours déconnectée du personnage de Dujardin et elle ne fait que répéter maladroitement ce que l’on voit à l’écran. De même pour les intertitres qui servent à donner au spectateur un sens du temps qui passe, mais qui alourdissent la narration d’informations qui auraient pu très bien être transmises purement visuellement.
Un récit à suspense toujours aussi riche intellectuellement
Néanmoins, à défaut d’innover, Kounen réussit à capter les grandes forces du récit pour en proposer une version avec les moyens visuels modernes. Ainsi, sur le tournage, ils ont utilisé des caméras en « motion control », qui permettent de reproduire parfaitement plusieurs fois le même mouvement de caméra, et ainsi composer des plans avec Dujardin – qui n’a pas rétréci pour le rôle – en les intégrant à des plans de décors miniatures pour un résultat très propre et invisible à l’écran. Bien entendu, malgré le charme et l’incroyable inventivité du film de 1957, c’était loin d’être aussi parfait visuellement.

Cette qualité technique de la version 2025 rend l’immersion narrative, visuelle et sonore d’autant plus saisissante. De plus, Jean Dujardin est impeccable dans le rôle, permettant au spectateur de ressentir pleinement l’envie de survivre d’un homme qui s’adapte du mieux qu’il peut aux nouveaux codes de son monde. De ce fait, la mise en scène et les acteurs sont au service d’un bon scénario, ce qui est la base fondamentale d’un film réussi.
Finalement, malgré la peur initiale par rapport à ce projet étant donné les qualités incroyables du film d’origine, on se laisse porter par l’ampleur de ce récit qui dépasse son simple postulat de série B. L’Homme qui rétrécit tend vers quelque chose de plus métaphysique, sur la vie et la relation fragile et complexe avec notre entourage, ainsi que sur l’importance de toujours trouver de la beauté dans l’instant présent. Certes, Jan Kounen emballe cette nouvelle adaptation sans le panache du film d’origine, mais il le fait avec beaucoup de sérieux et de respect. Ce qui permet à l’histoire d’exprimer toute son universalité et surtout de montrer à quel point c’est un récit intemporel qui mérite d’être re-raconté de temps à autre.
L’Homme qui rétrécit sort le 22 octobre 2025 au cinéma.
Avis
C'était loin d'être gagné d'avance, mais Jan Kounen réussit à adapter avec les moyens actuels l'incroyable récit de l'Homme qui rétrécit (son roman et son adaptation filmique) tout en gardant sa force visuelle et narrative, en s'appuyant sur un très bon Jean Dujardin. Néanmoins, le trop-plein de respect pour le matériau d'origine l'empêche de pleinement proposer une version plus moderne et singulière.

