On attendait avec impatience l’arrivée de Takeshi Kitano au Festival de Cannes 2023 pour présenter Kubi, un film de samouraï situé à l’époque tourmentée du célèbre seigneur de guerre japonais, Oda Nobunaga. Peut-être qu’on l’attendait trop.
Dès les premières secondes de Kubi, le ton est donné : des corps de guerriers charcutés et des crabes qui sortent de leurs crânes. La violence sera le maître mot du film. D’histoire récente, on ne se souvient pas d’un film avec autant de décapitations. Il y a en a tellement que c’est impossible de compter. Vous voilà prévenu : pendant 2h11, on assiste à un déchaînement sanglant qui se veut jouissif.
Pour reconstituer cette époque tourmentée, Takeshi Kitano voit les choses en grand : costumes, décors, séquences de bataille à foison. Bref, il ne lésine pas sur les moyens pour tenter de fabriquer une fresque épique. Du moins, sur le papier c’est l’impression qu’il donne.
Une comédie noire plus qu’une fresque chanbara
Sauf qu’avant d’être véritablement un film épique de chanbara (film de sabre japonais), Kubi se révèle comme une comédie d’humour noir et trash. Les inspirations esthétiques (Ran ou Kagemusha d’Akira Kurosawa, les grands classiques du film de samouraï comme Harakiri) sont au final peu importantes dans le rendu visuel et narratif. C’est un enchaînement de gags plus ou moins réussis – et qui montrent toute l’importance d’avoir une collection d’hommes doublures quand on est chef de guerre – qui révèle l’absurdité des comportements humains, leur lâcheté et leur égo. L’homme est prêt à tout pour arriver au pouvoir et pour le conserver. Kitano s’amuse de cela et fait un portrait plutôt réaliste de l’humain : une espèce stupide et maladroite.
Néanmoins, ce qui fait le sel d’une telle œuvre historique ne paraît que trop rarement à l’écran. Par le traitement de la violence, Kitano se débrouille en faisant parler l’expérience, mais dans les qualités intrinsèques de l’image de cinéma, on peine à s’intéresser visuellement au film. Quelques sursauts d’orgueil stylistique font surface par-ci, par là et permettent au cinéaste de maintenir le cap de son navire jusqu’à la fin – quitte à avoir de l’eau jusqu’au cou.
Scénario confus
Le scénario est complexe, tout comme l’histoire vraie dont il s’inspire et s’égare en introduisant une multitude de personnages. On se retrouve avec une succession (trop) rapide de séquences répétitives qui manquent d’une construction dramatique pour leur donner de l’ampleur. Les séquences de bataille sont expédiées rapidement, tandis que les dialogues sont souvent filmés de manière plate. Kitano parvient néanmoins à clarifier les enjeux du récit après une introduction brouillonne, mais les personnages, caricaturaux, suscitent peu d’intérêt.
Certes, c’est une satire et le trait se révèle volontairement appuyé pour faire rire. Cet humour est bien porté par quelques personnages dont celui joué par Beat Takeshi, l’alias de Kitano qu’il utilise principalement à la télévision ou en temps qu’acteur lorsqu’il ne veut pas associer son nom « sérieux » au film. Malgré le fait qu’on retrouve une forme de violence et d’humour assez caractéristique du cinéma du réalisateur, cela reste dans l’ensemble un long-métrage très générique dans sa mise en scène, souvent confus dans son développement narratif et qui manque cruellement de finesse. Les thématiques originales pour un film de samouraï – telles que les relations homosexuelles entre les différents seigneurs – sont traitées avec lourdeur. Tout est regardé d’un point de vue sarcastique pour le meilleur (effets comiques) et pour le pire (un sentiment de trop plein constant).
Au final, Kubi n’est pas un retour en force pour Takeshi Kitano. Lui-même a assumé avec une franchise incroyable en fin de la projection au Festival de Cannes : » je reviendrai la prochaine fois avec un meilleur film ». Entre son scénario confus et lourd, sa mise en scène très générique sauf à des rares moments, on est loin du niveau espéré par l’auteur de l’Été de Kikujiro, Sonatine ou encore Hana-bi.
Kubi n’a pour le moment pas de date de sortie. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes 2023 ici.
Avis
Kubi n'est pas un retour en force pour Takeshi Kitano. Lui-même a assumé avec une franchise incroyable en fin de projection au Festival de Cannes :"je reviendrai la prochaine fois avec un meilleur film". Entre son scénario confus et lourd, sa mise en scène très générique sauf à des rares moments, on est loin du niveau espéré par l'auteur de l'Été de Kikujiro, Sonatine ou encore Hana-bi.