Présenté Hors Compétition à la Mostra de Venise et tout juste arrivé sur Canal+, Hit Man marque le grand retour de Richard Linklater dans un pur délice de screwball comedy. Il s’impose à la fois comme le film le plus drôle et le plus sexy de l’année, propulsant Glen Powell et Adria Arjona au rang de superstars.
Richard Linklater est sans doute un des auteurs américains les plus singuliers qui soient, en plus d’un des plus polyvalents. Alors que l’intelligentzia critique le connait avant pour ses drames intimistes ultra acclamés tels que la formidable trilogie Before ou le touchant Boyhood, le réalisateur originaire d’Austin a aussi d’autres cordes à son arc. En effet, il est aussi derrière de vraies comédies générationnelles flirtant avec le coming-of-age (Slacker, Dazed & Confused), des films en animation rotoscopique (Waking Life, A Scanner Darkly, Apollo 10 1/2) ou plus rarement du film de studio à succès (Rock Academy).
Et après le très sympathique Everybody Wants Some !, Linklater retrouve également Glen Powell (Top Gun Maverick, Tout sauf Toi) pour co-écrire Hit Man, mais aussi le diriger dans un premier rôle sur-mesure ! Après une certaine traversée du désert sans sortie salles digne de ce nom, ce nouveau film zappera lui aussi les salles obscures pour échouer sur Netflix. Mais ne vous y trompez pas, tant Hit Man se veut un des meilleurs films de la Mostra 2023, un des meilleurs films de l’année, et aussi le meilleur film de Richard Linklater depuis des lustres !
Hit Man part d’un point de départ que d’aucun appellerait « farfelu », mais pourtant basé sur un fait réel relaté dans un article du Texas Monthly en 2001 : Gary Johnson est un professeur universitaire qui semble tout à fait ordinaire, si ce n’est qu’il aide la police locale en temps partiel. La raison est simple : Johnson se faisait passer pour des tueurs-à-gages face à divers clients susceptibles de vouloir fomenter un assassinat. Un travail de taupe sur-mesure donc !
All Pie is Good Pie
Hit Man reprend donc ce canevas : un professeur de philosophie et de psychologie un peu coincé, célibataire et vivant avec ses 2 chats (Id et Ego) se retrouve à interpréter des rôles sur-mesure suivant sa cible. Se prêtant au jeu, Gary va néanmoins rencontrer Maddy Masters, une jeune femme dans le besoin face à son mari violent. Rapidement attaché à elle, Gary va tenter de s’impliquer plus que de raison, quitte à s’attirer d’autres problèmes.
Avec Hit Man, Richard Linklater use de ce concept parfait pour proposer une hilarante screwball comedy, en plus d’une comédie romantique sexy qui va flirter avec les codes du film noir ! D’abord cueillis par les situations loufoques dans lesquelles Gary s’engage, c’est bien dans la faculté de constamment renouveler de couvertures qu’Hit Man se révèle résolument fun (et même tordant).
Une qualité que l’on doit aussi à un Glen Powell absolument parfait : non seulement son meilleur rôle, Gary Johnson et ses alter egos se révèlent un superbe terreau d’expérimentation pour tout acteur. Jonglant avec une aisance digne d’une superstar entre le professeur timoré, l’assassin badass charismatique, l’albanais au sang froid, le redneck texan ou le british guindé, Powell insuffle une énergie communicative rare à Hit Man, avant que le film n’opère un virage plus sensuelle.
Arnacœur-à-gages
Dès lors qu’Adria Arjona (Star Wars Andor), le métrage semble aller sur les traces d’Elmore Leonard, et plus précisément Hors d’atteinte. En effet, à l’instar du film de Steven Soderbergh, Hit Man met au premier plan l’alchimie monstre de ses 2 protagonistes que tout oppose, mais dont l’attraction va engendrer un jeu de séduction des plus torrides. Comme dans un classique instantané de comédie romantique (Linklater n’est pas à son premier coup d’éclat pour filmer l’amour naissant), Powell et Arjona vendent immédiatement le cœur du métrage par un simple regard ou rire partagé, avant de multiples baisers échangés.
Bien entendu, le romantisme va rapidement avoir un goût plus acidulé à mesure que Maddy va vouloir impliquer plus loin Ron (l’alter-égo de Gary) face à son mari, sans se douter de qui est Gary. L’occasion donc d’aller doucement vers des codes de film noir, où le danger et le rocambolesque se voudront plus palpable. Un mariage des genres des plus efficaces, même si on pourra regretter que cette balance survient sans doute un peu tard au sein du récit (proposant néanmoins un formidable acte final aussi drôle que tendu).
Car au milieu du rire et du romantisme, il y a au sein de Hit Man tout une réflexion relativement inattendue sur le principe d’être et de paraître : comment nous construisons-nous en tant qu’individu ? Peut-on rester soit-même ou doit-on revêtir un masque de personnalité pour réussir ? Est-ce que Ron et Gary sont véritablement le même individu, ou plusieurs facettes de la même personne ?
Comédie qui touche la cible
Un questionnement finalement passionnant, infusé en filigrane dans ce modèle de comédie. Bénéficiant d’une mise en scène carrée sans réelles fulgurances, Hit Man demeure avant tout une réelle réussite de par ses comédiens (Powell et Arjona n’ont jamais été aussi bons, tout comme Austin Amelio), son script malin et irrésistible, et le regard de Richard Linklater. Ce dernier accouche de la plus belle surprise de l’année, l’imposant encore une fois comme un des meilleurs auteurs concernant la quotidienneté de l’humain, et la magie du réel.
Hit Man est disponible sur Canal+
avis
Avec Hit Man, Richard Linklater signe non seulement un de ses tous meilleurs films, mais également la meilleure comédie romantique de ses dernières années. Pourtant, il serait dommage de cantonner le film à un simple genre réducteur, tant cette screwball comedy flirtant avec le film noir marie les genres avec une aisance rare, une plume mordante, et ses acteurs au sommet de leurs formes. Une très belle pioche tout simplement !