Grafted s’efforce de soigner ses couleurs, ses ambiances et son sujet pour poser un regard actuel sur le body-horror.
Grafted, en français greffé, est le premier long-métrage de sa réalisatrice néo-zélandaise Sasha Rainbow. Par son regard féministe, elle se penche sur une facette peu explorée du body-horror. Son héroïne principale, Weï (Joyena Sun), une jeune étudiante chinoise, est fraîchement acceptée à l’université de Nouvelle-Zélande. Là, elle entend poursuivre le rêve de son père, greffer n’importe quel lambeau de peau en deux temps trois mouvements. Mais l’apparence de l’autre dégoûte, suscite le rejet, lorsqu’elle se transforme, se dépèce et se greffe. Mais aussi, simplement telle qu’elle est, entre racisme anti-asiatique et injonctions à la perfection. Weï expérimente en effet la greffe de peau pour dissimuler une large tâche de naissance au visage.
À fleur de peau
Grafted s’inspire librement du film Les Yeux sans visage de Georges Franju sorti en 1960, car nous sommes d’abord passés à la couleur. Et quelles couleurs. Et quels très gros plans sur des scalpels qui virevoltent avec précision chirurgicale, laissant perler quelques horrifiques gouttelettes sanglantes. Grafted exploitera toutes les capacités de votre SmartTv 4K AMOLED 55 pouces 120 Hertz Dolby Atmos et lA intégrée fraîchement acquise à crédit sur 48 mois (Paul Fournier n’y aurait pas survécu à celle-là). Mais trop souvent saturée, cette esthétique léchée laisse paraître quelques failles.

En effet, soigner son film d’horreur apparaît primordial en nos temps qui voient revivre le genre. Aujourd’hui, une place de cinéma vendue aux États-Unis sur cinq est un film d’épouvante ! Grafted porte ainsi les stigmates d’une réalisatrice qui veut parfois trop bien faire. De nombreux plans s’étirent sans réelle utilité, et, finalement, diluent les tensions. Lesquelles étant déjà mises à mal par un scénario qui monte lentement en puissance.
Imperfections sous-cutanées
Comme le film cannibaliste Grave de Julia Ducourneau en son temps, Grafted met du temps à croquer l’horreur à pleines dents. Questionner notre rapport à l’étranger et dénoncer l’appropriation des découvertes scientifiques par l’homme blanc c’est bien, plonger à corps perdu dans l’horreur quand on se revendique film du genre, c’est mieux. Le long-métrage se structure autour de trois exécutions qui marquent chacune un palier dans la violence. Et, tout compte fait, l’apothéose de la dernière (superbe ode à la perçeuse Leroy Merlin en rabais pour le Black Friday), est bien la seule à atteindre les standards des exécutions sauvages.

Pour cause, Grafted se dôte de personnages caricaturaux qui raidissent son propos. Son sous-texte qui soulève des questions nécessaires à se poser collectivement devait conduire à un peu plus de subtilités. Car le film d’horreur, au fond, n’est que le reflet des angoisses et dysfonctionnements de nos sociétés. En définitive, Grafted devait questionner les rapports entre apparence et identité, dans notre monde qui juge souvent au physique. Et voici que le film tombe dans son propre piège. Les personnages terriblement stéréotypés qui gravitent autour de Meï, entre la blondasse pétasse et la bimbo vissée à son chihuahua hargneux, desservent la qualité de l’intrigue.
Peau sensible
Grafted a fait le pari d’une mise en scène ultra-esthétique. Mais souvent alourdie par une surenchère d’effets, elle finit par affaiblir une narration déjà fébrile. Et ce, malgré la pertinence de l’angle choisi par sa réalisatrice, Sasha Rainbow. Grafted s’égare dans des personnages caricaturaux, trahissant son projet initial d’interroger l’apparence et l’identité à travers l’horreur. Une dimension sanglante, par la même, un tantinet timide pour un body-horror, malgré quelques très apprêtés coups de scalpel.
Grafted sortira le 5 novembre 2025 au cinéma.
Avis
Grafted expose des sujets sociétaux nécessaires, du racisme à l'appropriation des travaux d'étudiants par des professeurs sans scrupules. Et il voulait rendre une copie parfaite en s'enveloppant d'une esthéque très soignée et de couleurs flatteuses. Cependant, ses personnages stéréotypés et une dimension horrifique presque timide lui sapent bien des points.

