Freedom Club est un huis clos haletant qui se déroule en temps réel et interroge l’impact de la technologie sur nos sociétés.
Nicolas Le Bricquir, dont la précédente création, Denali, nommée 4 fois aux Molières 2024, avait déjà marqué la scène théâtrale avec ses airs de série Netflix, revient avec Freedom Club. Et c’est encore une expérience insolite qu’il nous propose avec ce spectacle aux airs de thriller d’anticipation.
Un monde à la dérive
Des détonations ont été entendues à la Station F, dans le 13e arrondissement de la capitale, alors qu’un évènement organisé par l’Élysée se tient dans le plus grand incubateur de start-up au monde. La police est sur place, un homme aurait été abattu. Pendant ce temps-là, une jeune femme rejoint précipitamment un entrepôt dans lequel elle se cache.

Bientôt, un homme la rejoint, accompagné d’un otage. À la télé, on parle d’un drone ayant déversé de la matière fécale sur la tête d’Elon Musk. Un attentat symbolique qui a déjà fait le tour du monde, et dont les amis d’enfance, devenus des membres influents du monde de la tech et des médias, sont les auteurs. Ils ont commis cette action au nom du « Freedom Club« , une organisation qui lutte pour un arrêt du progrès technologique. Mais ils n’avaient pas imaginé que les choses tourneraient si mal…
Freedom Club : un huis clos qui va crescendo
C’est dans cet immense hangar où ils se cachent que nous nous retrouvons, en temps réel. L’ horloge numérique est là pour dicter le tempo et guider la narration, à la manière de 24h Chrono. Nous suivons donc, en même temps qu’eux, à la télé, le traitement en direct de l’évènement. Et la tension grandit tandis que nous apprenons la mort de l’un d’entre eux. Ils ne savent pas quoi faire de leur otage ni comment échapper à la police qui est sur le point de les retrouver.

Nous avons mis un peu de temps à rentrer dans l’histoire et à nous laisser embarquer par les comédiens, dont nous avons trouvé le jeu un peu inégal. Certains moments trop « joués » nous ont tenus à distance. Mais une fois les rôles et les enjeux clairement définis, tout s’accélère. Et on se retrouve happé dans un véritable tourbillon, jusqu’à un dénouement à couper le souffle. Nous avons particulièrement aimé le personnage de Matthieu, l’otage, interprété par Mathis Sonzogni. En effet, ce dernier apporte des touches d’humour par sa spontanéité et sa maladresse. D’autres moments de drôlerie sont également semés çà et là, comme la réaction plus vraie que nature, en vidéo, de Donald Trump !
Un thriller d’anticipation troublant
Le gros point fort de cette pièce, c’est sa scénographie pleine d’ingéniosité. Si nous passons l’intégralité de la pièce immergés dans ce grand hangar, une cabine mobile nous permet de nous retrouver de temps à autre dans la pièce à côté. Là où se trouvent les serveurs informatiques utilisés par le Freedom Club. Les enchaînements sont habiles, très fluides. Et des effets visuels et sonores hyper immersifs renforcent l’aspect cinématographique de la pièce, comme les bruits d’hélicoptères qui survolent le hangar, ou les lumières de la police qui balayent ce dernier depuis l’extérieur.
Le propos, très pessimiste, prend une tournure fascinante. Il questionne de manière fort intéressante notre usage de l’Intelligence Artificielle, ses dérives possibles et les dangers qui nous guettent. La résonance avec l’actualité est glaçante. Le réalisme est poussé jusqu’à une intervention sonore d’Emmanuel Macron… et on finit scotché à notre siège. Une sacrée performance.
Freedom Club, écrit et mis en scène par Nicolas Le Bricquir, avec Salomé Ayache, Lou Guyot, Ahmed Hammadi-Chassin, Mathis Sonzogni, se joue du 19 octobre au 28 décembre au Théâtre Juliette Récamier.

Avis
Nicolas Le Bricquir réussit une fois de plus à nous donner le sentiment d'être devant notre télévision, et à nous immerger dans une intrigue à l'intensité grandissante. L'expérience vaut vraiment le détour, et le propos se révèle petit à petit bien moins anecdotique qu'il y paraît.

