En Plein Feu aurait pu être un efficace et étouffant survival s’il ne cherchait pas à tout prix à inutilement alourdir sa proposition.
En Plein Feu est le second film solo de Quentin Reynaud, ainsi que sa troisième collaboration avec Alex Lutz. On doit ainsi au duo le très fade Paris-Willouby et l’inégal Cinquième Set, qui explorait (déjà) les démons d’un homme torturé, cette fois par une ultime quête de victoire sur terre battue. Pour En Plein Feu, le metteur en scène et son acteur fétiche se lancent dans leur projet le plus ambitieux : un pur film de genre, à savoir un survival en plein incendie. Loin du drame sportif et de la comédie dramatique, le troisième long métrage de Quentin Reynaud est ainsi un véritable pari, peu proposé au sein de notre paysage cinématographique et un véritable défi alliant à la fois la prouesse technique et celle, toute aussi périlleuse, de la mise en scène.
Loin de l’incendie de Notre-Dame brûle, c’est ici en pleine forêt des Landes que se déroule l’intrigue, suivant un père, ancien militaire souffrant d’un corps désormais trop lourd à porter (André Dussollier), et son fils endeuillé (Alex Lutz), tous deux coincés dans un embouteillage en plein incendie. Et au départ, tout semble fonctionner à merveille : la photographie de Vincent Mathias, acclamé pour son superbe travail sur Au revoir là-haut, s’avère anxiogène à souhait, et Quentin Reynaud semble inspiré, délivrant haut la main sa meilleure mise en scène. Mais voilà, le scénario et les dialogues viennent rapidement étouffer la flamme.
Cramer les ambitions
Parce que ce qui semble intéresser Quentin Reynaud, bien au-delà du pari pourtant très ambitieux de mettre en scène un survival en plein incendie, c’est d’offrir à Alex Lutz une prestation à la hauteur. Mutique, regard dans le vide, l’acteur, semble après Vortex, vouloir se détacher de la comédie pour prouver que son César du meilleur acteur pour Guy n’était pas dû qu’à un simple coup de chance. Plongeant dans des flashbacks traumatiques de la mort d’une enfant, où n’arrivant à renouer le contact avec son fils, l’acteur porte sur ses épaules En Plein Feu, de sa silhouette abîmée, chancelante et désespérée. André Dussollier est ainsi réduit au minimum, simple allégorie d’un passé resassé jusqu’à la déraison.
Et c’est là que le métrage commence à s’essouffler : lorsque la métaphore du deuil semble inonder ce feu qui ne brûle alors plus, et que les dialogues qui sonnent faux finissent alors d’éteindre. On se demande alors, une fois la voiture abandonnée, où va bien nous emmener Quentin Reynaud, qui semble alors aussi perdu que son acteur. Le scénario suit alors un cheminement bien trop grand pour ses épaules fragiles : celui de se muer en un Alfonso Cuarón, et dans une sorte de quête à la Gravity, emmener En Plein Feu vers la quête spirituelle, avec ses inévitables scènes de forêts enchanteresse éclairées d’une lumière divine et de retour à la vie sur une plage embrumée.
Gravity enfumé
Dans un cheminement similaire à Sandra Bullock, Alex Lutz n’arrive cependant pas à incarner toutes les cicatrices intérieures de son personnage, contaminant de son allure fantômatique un film alors dénué de présence. En Plein Feu quitte alors les terres du survival pour se perdre, comme son héros, dans un sujet amené avec bien trop de lourdeur pour susciter le même engouement que sa belle introduction. Des flashbacks sur-explicatifs, et des échanges qui viennent forcer le trait transforment alors ce voyage spirituel en essai forcé et surligné, où même la mise en scène appliquée de Quentin Reynaud n’arrive à insuffler la poésie nécessaire pour épouser de plein fouet un sujet qui le dépasse.
Pourtant, l’on ne peut que rester admiratif devant cette tentative osée et ambitieuse, qui malgré ses immenses faiblesses, atteste d’un véritable désir de cinéma de chaque instant. Les images sont belles, et la première partie au milieu des flammes s’avère véritablement étouffante, que la caméra de Quentin Reynaud soit cloisonnée dans un véhicule où sous une couverture. Techniquement irréprochable, il est ainsi dommageable que le feu n’embrase pas jusqu’au bout cette belle proposition, dont la fougue semble comme l’incendie, étouffée sous ses trop grosses, mais néanmoins belles ambitions.
En Plein Feu est actuellement en salles.
Avis
Quentin Reynaud signe avec son acteur fétiche son pari le plus ambitieux en mettant en scène avec brio un survival aussi anxiogène que prenant. Dommage que les trop grosses ambitions du scénario et des dialogues artificiels alourdissent inutilement cette belle promesse, artistiquement et techniquement irréprochable.