Dreamday, ça commence comme un épisode de Black Mirror : roman d’anticipation qui questionne les nouvelles technologies et leurs potentielles dérives qu’on imagine voir venir… Et puis, hop, d’un coup, à travers Jude, un adolescent lambda, l’intrigue nous embarque vers un monde pas si loin et en même temps souvent inconnu : l’empathie…
Dans son premier roman, Dreamday, paru le 16 avril 2025 aux éditions Actes Sud Jeuness, Elizabeth Uttara propose une histoire pour jeunes adultes au concept original et puissant. Celle d’un monde où il suffit d’enfiler ses DreamPods dans les oreilles, de lancer l’application Dreamday, et de se glisser dans la peau de vos célébrités préférées pour vivre une nuit à travers leurs yeux, leurs émotions. Une expérience unique, immersive… et plus intense que n’importe quelle story Instagram !
Portrait en DreamPods
Mettez vos écouteurs, je vous présente Elizabeth Uttara, une jeune femme de son temps, cosmopolite : elle est née à Colombo d’une mère sri-lankaise et d’un père britannique, a vécu dans plusieurs pays (Sri Lanka, Lesotho, France, Bangladesh, Royaume-Uni, avant de s’installer à Paris). Elle a étudié les langues modernes et les études de genre à Londres, puis travaillé dans le secteur humanitaire au Royaume-Uni, au Kosovo et en Malaisie. Pas étonnant, donc, que son roman ait une portée aussi globale et humaine – on sent que l’expérience personnelle infuse les lignes.

Bienvenue dans le Dreamday show !
Dans son ancienne école, Jude a été la victime de harcèlement. Il se montrait timide, un peu renfermé. Aujourd’hui, il a su se reconstruire. Il a de nouveaux amis. Et surtout, il utilise Dreamday, application à laquelle il est accro. Et qui lui donne plus de confiance dans la vie. Mais, passé l’attrait de la nouveauté de rejouer les matchs de Mbappé (pour lui)… et pour d’autres de revivre les concerts de Beyoncé, reproduire les cascades des films de Tom Cruise (sans se casser une côte, c’est pratique), ou même d’animer les conférences de gourous du développement personnel comme Tony Robbins (c’est hype, en vrai !), une nouvelle perspective s’ouvre à lui…
En route pour l’aventure… humaine
« Salut Jude,
Félicitations, tu as été sélectionné ! Consulte vite tes mails pour découvrir tous les détails. » – Jemina Bird, créatrice de Dreamday.
Quand Jude reçoit cette invitation, il hésite. Se lancer dans une expérience inconnue, ça fait un peu flipper. Pourtant, il accepte. Et là, le récit bascule. Fini les paillettes : Jude se retrouve projeté dans les subjectivités de différentes personnes – qui ne sont pas des célébrités –, mais qui chacune, à leur façon, vont lui offrir une leçon d’humanité. Et nous avec.
À travers ses yeux, le lecteur découvre ce que vivent réellement des personnes invisibles ou incomprises : sa propre sœur, rongée par une douleur silencieuse ; Lina, jeune réfugiée sur l’île de Lesbos. Pas de grands discours, pas de pathos forcé : juste une plongée sensible dans des vies qui ne sont pas les nôtres, mais pourraient l’être.
Code source du roman
« J’ai conçu Dreamday pour faire éclater les bulles de filtre dans lesquelles nous nous enfermons. Je voulais que les gens ressentent vraiment ce que c’est de vivre dans la peau de quelqu’un d’autre. » – Jemina Bird, créatrice de Dreamday.
Le style d’Elizabeth Uttara est fluide, accessible, mais pas simpliste. Elle jongle entre un ton léger et des passages plus poignants, avec une narration à la première personne qui nous plonge directement dans l’intimité de Jude. Quelques touches d’ironie, des images marquantes, une structure bien rythmée qui évite les longueurs : ça se lit avec plaisir… et avec un petit pincement au cœur de temps en temps.
La structure narrative, linéaire mais ponctuée d’incursions dans les Dreamdays, offre une alternance efficace entre le quotidien et l’extraordinaire. Le cadre spatio-temporel – un futur très proche – permet une immersion d’autant plus percutante. On y croit, et c’est peut-être ça le plus troublant.
Dreamday, c’est un concept original et un peu vertigineux : vivre la vie des autres, ressentir leurs émotions, tout en restant bien au chaud sous sa couette. L’idée en elle-même pourrait alimenter des heures de débats en cours de philo (« Peut-on comprendre sans vivre ? »)… Mais Elizabeth Uttara ne s’arrête pas là. Elle en fait un outil narratif fort pour aborder des sujets de société brûlants.
Et c’est là que le roman touche juste. On pourrait s’attendre à une critique cynique de notre monde technologique… mais non. Ici, la technologie devient un levier pour (re) trouver ce qui fait de nous des humains : la capacité à se connecter, à comprendre, à compatir. Alors non, ça ne se termine pas comme un épisode de Black Mirror, et franchement, on ne va pas s’en plaindre.
Elizabeth Uttara – Dreamday, éditions Actes Sud Jeunesse, 240 pages, paru le 16 avril 2025

avis
Dreamday, c’est une pépite de la littérature jeunesse. Une de celles qui marquent, qui font réfléchir, et qui laissent une petite lampe allumée dans un coin de la tête. Un roman qui, mine de rien, pourrait bien semer quelques graines d’empathie dans les esprits en pleine construction.