Dans le silence des paumes est un spectacle profondément humain et tendre, entre théâtre et documentaire, joué en appartement.
Dans le silence des paumes est sans doute notre découverte la plus inattendue de ce Festival d’Avignon ! Une pièce qui se trouvait… dans le OFF du OFF dirons-nous ! Pour y assister, ce n’est pas dans un théâtre que nous nous sommes rendus mais dans un appartement, à une adresse tenue secrète… Allez, on vous emmène !
Quand le théâtre s’invite à domicile
C’est donc dans le salon d’un appartement, à deux pas du Théâtre du Train Bleu que nous avons pris place, aux côtés d’une douzaine d’autres personnes réparties en cercle. Le spectacle va se jouer là, au milieu de nous. Sur cette scène éphémère, 4 comédien.ne.s prennent place. Nous avions déjà expérimenté le concept du spectacle à domicile, pour autant nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre.

Mais nous avons vite compris à qui et à quoi nous avions affaire. À qui ? À trois comédien.ne.s excellent.e.s, habité.e.s dès les premiers instants, et aussi touchant.e.s qu’attachant.e.s. À quoi ? À du beau et grand spectacle, à de l’intense, de l’émouvant, du tendre, du poétique. D’autant plus que cette proximité, qui peut toutefois ne pas être confortable pour tout le monde, n’autorise pas la moindre approximation, le plus petit regard égaré, et créé une expérience vraiment particulière et autrement captivante.
Du théâtre profondément humain
Nous n’avons eu aucun effort à faire pour embarquer à leurs côtés dans l’histoire de cette famille qui vient de perdre l’un de ses membres et non des moindres : la mère. Lelia est la première à arriver sur place, comme toujours. Elle est l’aînée. Colin, lui, arrive le deuxième, plus confus. Puis Florent, leur demi-frère, débarque à son tour, plus bouleversé encore. Tous trois se retrouvent là, face au fauteuil vide dans lequel on imagine le corps de Maryse, leur mère, à demi-souriante, elle qui ne souriait jamais. Face à leur passé, leurs fantômes, leurs blessures, leurs liens un peu froissés.

Ils nous replongent alors dans des souvenirs qui viennent s’éparpiller, se superposer parfois d’une manière percutante. Des souvenirs qu’ils racontent, d’autres qu’ils incarnent, se glissant tour à tour dans la peau de cette femme qui se rêvait dactylo, de cette mère qui n’eut d’autre choix que de s’orienter vers des métiers précaires où le corps s’use un peu plus vite qu’ailleurs.
Des souvenirs qui, au-delà de l’histoire familiale, racontent la violence qui peut exister entre ses membres, mais aussi le harcèlement au travail, ou encore la pénibilité de certains métiers auxquels des femmes se trouvent confrontées. Un propos qui vient s’appuyer sur des extraits d’archives et sur des témoignages récoltés auprès de travailleurs et de travailleuses précaires et/ou invisibilisé.e.s comme celui de Maryse qui travaille sur les marchés, seul emploi compatible avec les contraintes de son rôle de maman qu’elle a réussi à obtenir.
Dans le silence des paumes,
C’est notre première rencontre avec la plume de Florian Pâque, et nous sommes séduits. Il s’en dégage quelque chose de vrai, de sensible, de tendre aussi. Une maturité qui a envie de dire et de montrer ce qui est rugueux, douloureux, caché, mêlée à une âme d’enfant qui veut s’accrocher aux coins de ciel bleu et ne pas renoncer à la poésie. C’est également ce qui se dégage de son jeu qui nous a particulièrement touchés. À ses côtés, Nicolas Schmitt & Loélia Salvador sont eux aussi troublants de sincérité, de justesse. Tous trois enrichissent la pièce de leurs énergies, si différentes, dont la rencontre aboutit à une toile harmonieuse.

Et puis, il y a beaucoup de jolies trouvailles dans cette création. Aussi bien dans le travail d’écriture, qui prend racine dans le réel pour s’élever bien au-delà, que dans la mise en scène. Ce à quoi nous ne nous attentions pas forcément du fait de la configuration de l’espace scénique et des contraintes imposées par le jeu à domicile, et notamment celle de se passer de régisseur. Mais « cette forme réduite techniquement ne doit pas pour autant être réduite artistiquement » explique Florian Pâque. Une exigence qui saute aux yeux tant le résultat est soigné. Et les effets de lumière et de son qu’ils gèrent avec une parfaite discrétion au fur et à mesure du spectacle viennent saupoudre l’ensemble d’une touche de poésie supplémentaire. Une petite merveille.
Dans le silence des paumes, écrit et mis en scène par Florian Pâque, avec Florian Pâque, Nicolas Schmitt & Loélia Salvador, se joue du 9 au 14 juillet 2024 au Festival Off d’Avignon, puis à La Poudrerie (Sevran) le 22 septembre et au Festival « La Mascarade » (Nogent-l’Artaud) le 28 septembre.
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Avis
Nous sommes dans un appartement, et pourtant, la magie du théâtre est bel et bien là. La magie d'un théâtre "de proximité", tant dans son format que dans son approche, qui vise à mettre en lumière des personnes qui y sont rarement et à rapprocher le théâtre de celles et ceux qui y ont le moins accès. Des temps d'échange sont d'ailleurs prévus après chaque représentation. Une démarche artistique, humaine et sociale à soutenir.