Certitude(s) est une fresque théâtrale et musicale contemporaine qui nous plonge dans la lutte pour le droit de vote des femmes.
Certitude(s) nous emmène en Angleterre, à l’heure des prémices de la remise en question du patriarcat. Jusqu’où sommes-nous prêt.e.s à aller pour défendre nos idées ? C’est autour de cette question que s’articule cette pièce dans laquelle nous suivons de l’intérieur l’histoire des suffragettes, ces femmes qui ont lutté pour obtenir le droit de vote au tout début du XXe siècle. Un vrai bijou.
Brillant d’originalité
Voilà un objet théâtral comme on adore en rencontrer et qui ne courent pas les rues. Ce qui les rend d’autant plus précieux, tant mieux. Nous avons ici affaire à un travail d’équipe minutieux, riche, rempli d’audace, d’énergie, de créativité, de modernité, de fougue aussi. Tout à fait à l’image de la promesse faite par le teasing vidéo, aussi réussi que le reste. Pour un premier projet, on peut raisonnablement dire que le travail de Camille Pouget est épatant. Et ce qui est tout aussi chouette c’est qu’elle n’a cherché à imiter personne.

La jeune femme qui co-signe ce texte avec Hugo Lévèque s’est emparée de la mise en scène avec beaucoup de professionnalisme, de talent, d’originalité, et une belle maîtrise de l’espace. Elle nous livre ici une véritable démonstration de spectacle « vivant ». Débordant de vie à vrai dire, immersif par certains aspects, et d’une fluidité rare. On ne vous dévoile rien de l’entrée en matière très efficace pour immédiatement captiver notre attention, mais on peut en revanche vous parler du reste. Et il y a beaucoup à dire !
Brillant tout court
Le public se retrouve de part et d’autre de l’espace scénique d’abord transformé en blanchisserie. On s’y croirait, la scénographie est très réussie et l’atmosphère enfumée et tamisée nous plonge dans ce décor, dans cette époque, aux côtés de ces femmes qui s’activent dans une chorégraphie (signée Laetitia Authié) parfaitement réglée de gestes et mouvements. Le spectacle tout entier a des airs de chorégraphie en réalité. Et elle est si joliment soutenue par la musique et par les jeux de lumière originaux et astucieux de Thomas Fustec que l’ensemble en devient vite très poétique.

Une poésie que l’on retrouve aussi dans le texte, et surtout dans les paroles des chansons qui parsèment de manière parfaitement dosée l’histoire, et si jolies que l’on aurait envie de réécouter. D’autant qu’en plus du jeu sensible, juste, et rempli de jolies nuances de Justine Marec, Noé Pflieger, Camille Pouget (en alternance avec Claire Couture) et Violette Erhart que nous avions pu applaudir dans Le voyage de Molière de Pierre-Olivier Scotto et Jean-Philippe Daguerre, les voix des comédiennes sont littéralement envoûtantes. On se retient parfois d’applaudir pendant le spectacle. À d’autres moments, plus fantaisistes et qui laissent place à des personnages plus caricaturés comme celui de la journaliste, on rit bien volontiers. Peut-être aurions nous juste allégé l’ensemble de quelques voyages dans le temps pour légèrement canaliser les choses et que le « trop » ne menace pas le « bien ».
Certitude(s) : un bijou théâtral à ne pas manquer
Si la forme de ce spectacle nous a donc éblouis, l’histoire ne manque évidemment pas non plus d’intérêt. Elle nous ramène à cette époque où les droits des femmes ont commencé à être questionnés et à se heurter à l’inaction politique autant qu’à l’opinion conservatrice. Le début d’un long chemin au bout duquel nous sommes encore loin d’être, et qui ne manque pas de faire écho aux combats actuels.
« Qui sont-ils pour se donner le droit de décider des nôtres ? »
Tout commence par quelques confidences à la lueur d’une ampoule pendant la pause déjeuner, les premiers espoirs formulés d’une vie plus égalitaire entre les hommes et les femmes, bien qu’étonnamment pas partagés par toutes. Des confidences qui prendront peu à peu la forme de revendications pour des femmes devenues militantes et bien décidées à conquérir leur liberté et à défendre leurs droits. Un combat que mènent les cœurs mais aussi les corps qui s’expriment sur scène avec une énergie parfois presque animale, et dans lequel nous les rejoignons. Certaines contradictions apparaissent, les priorités des unes trébuchent parfois sur les limites des autres. C’est fort, c’est poignant, c’est humain… c’est un coup de cœur !
Certitude(s), de Camille Pouget et Hugo Lévêque, mise en scène Camille Pouget avec Justine Marec, Noé Pflieger, Camille Pouget en alternance avec Claire Couture & Violette Erhart, se joue jusqu’au 23 mars 2025 au théâtre de la Reine Blanche.

Avis
Entre tendresse et violence, espoir et découragement, lumière et pénombre, ces artistes talentueux nous emmènent magnifiquement à travers l'une des luttes majeures de notre siècle. Un propos essentiel, abordé de façon très contemporaine et avec une originalité admirable.