Another World est un film chinois en 2D de Tommy Kai Chung, qui adapte et étend son court-métrage du même nom. Présenté au Festival d’Annecy, cette odyssée à travers le temps et les dimensions est aussi somptueux visuellement que creux émotionnellement !
Attendu au tournant lors de sa présentation à Annecy, Another World est le premier long-métrage de Tommy Kai Chung, quelques années après avoir mis en scène son court-métrage du même nom. Un short film à la mélancolie prégnante, présentant admirablement un monde semblable à un purgatoire : les âmes décédées s’y retrouvent à errer, guidées par des petits esprits sylvestres vers leur prochaine réincarnation.
L’œuf de l’Ange chinois
Un concept simple, que Tommy Kai Chung décuple dans son long-métrage vers des proportions beaucoup plus amples : on découvre donc Yuri, une jeune femme hantée par le deuil de son frère et qui le cherche dans cette réalité fantastique en étant aidée de l’esprit Gudo. Mais en parallèle, Another World introduit une histoire se déroulant dans le monde terrestre, alors qu’une princesse endeuillée découvre avec rage que son père (parti en croisade) aurait été tué par un de ses généraux.

Ainsi, le film traitera de ses 2 histoires… tout en introduisant ensuite un autre protagoniste (lui aussi épaulé de Gudo en observateur) désireux de trouver une « Fureur », à savoir un individu maudit par une force maléfique transformant en monstre une personne consumée par la douleur ou la rage. Et tandis qu’Another World construit progressivement la mythologie de son univers en apparence foisonnant, le bât blesse dans l’exploitation de ses personnages.
En l’état, le film lance sans heurt sa double/triple intrigue, avec suffisamment de mystère et de maîtrise formelle pour nous intriguer. Mieux, la mystique qui accompagne l’univers d’Another World est suffisamment digérée en terme d’influences pour que son imagerie évocatrice puisse être parlante de manière universelle.
Narration survolée
Malheureusement, Tommy Kai Chung va rapidement s’empêtrer dans sa narration en poupées russes, traversant les époques sans réellement développer d’empathie pour les personnages épaulés par Gudo. Certes, la thématique cyclique d’un deuil impossible domine (notamment en regard de cette princesse se transformant en despote sanguinaire par pure coping), mais Another World survole globalement les tenants et aboutissants qu’il introduira dans chaque chapitre. Impossible de ne pas pester face aux quelques ellipses qui jalonnent le récit, notamment lorsque le métrage définit la psychologie de ses persos pour ensuite les abandonner en cours de route !

Une manière de construire son univers thématique en somme, alors que l’acolyte de Gudo (un guerrier à quatre bras plutôt badass) ne servira que de faire-valoir pour booster des scènes d’action semblant sorties d’une japanimation, et heureusement très bien chorégraphiées. Cette construction empêchant toute emphase émotionnelle trouve cependant sa logique lors de l’ultime mouvement de l’intrigue, tandis qu’Another World use de son concept de réincarnation pour justifier les bonds temporels précédents.
Là encore, c’est sans doute trop tard pour provoquer l’émoi nécessaire (malgré un climax et un épilogue allant en ce sens), surtout lorsque la narration paraphrase ce qu’il se passe à l’écran. Pour autant, Tommy Kai Chung réussit à toucher du doigt ce que le métrage aurait pu être en se concentrant in fine sur Gudo et Yuri : dommage que ce focus ne survienne bien trop tard dans le récit ceci dit.
Direction artistique de toute beauté
De plus, s’il y a bien une grande qualité à ce Another World, c’est sa direction artistique absolument sublime, entre du Ghibli et des lignes de pure bande-dessinée. Proposant régulièrement des plans éclatants (comme cette vision d’une divinité géante faisant la loi dans cet univers) dans leur recherche stylistique, c’est clairement le moteur d’accroche du spectateur avec le film.

Pour le reste, on appréciera la singularité de son approche et la poésie qui émane des scènes se déroulant auprès d’une rivière proche du Styx. Mais en complexifiant l’univers d’Another World sans maîtriser sa narration délayant ses personnages sans réellement les explorer outre mesure, Tommy Kai Chung accouche d’un film aussi imparfait que magnifique visuellement. Pas inintéressant, mais il lui manque ce supplément d’âme nécessaire pour réellement convaincre !
Another World n’a pour le moment aucune date de sortie. Retrouvez tous nos articles du Festival d’Annecy ici.
avis
Avec Another World, Tommy Kai Chung NG étend l'univers ésotérique en abandonnant la mélancolie simple du court-métrage initial. Le résultat pèche malheureusement dans une exploitation brinquebalante de ses divers personnages, à travers une narration dénuée d'emphase émotionnelle. En résulte un métrage magnifique d'un point de vue visuel, mais dont l'âme se perd pour tenter de se rattraper de justesse lors de son final. Une maigre consolation devant cet objet d'animation fascinant, mais légèrement creux !