Après La Nuit du 12, Dominik Moll revient avec Dossier 137 en Compétition officielle du Festival de Cannes 2025. Mené par Léa Drucker, ce drame policier nous invite dans les coulisses de l’IGPN alors qu’une bavure policière a lieu en plein mouvement des gilets jaunes.
Dominik Moll a beau être un réalisateur français primé depuis l’étonnant Harry un ami qui vous veut du bien, ce n’est visiblement qu’avec Seules les bêtes, et surtout La Nuit du 12 que le réalisateur semble assoir son nom dans le paysage cinématographique hexagonal. Un polar qui abordait frontalement les féminicides tout en conservant un setting et une patine typiquement française…. et qui avait fait forte impression en 2022 y compris à Cannes !
Ordre et morale
Cela tombe bien, Dossier 137 est le tout nouveau long-métrage de Dominik Moll, sur lequel tous les projecteurs sont cette fois mis tandis qu’il aborde un sujet hautement sensible : celui des gilets jaunes ! Du moins c’est l’impulsion initiale que de se centrer sur les mouvements sociaux qui ont eu lieu en 2018. Le film use d’ailleurs de plusieurs images d’archives dans un montage d’une clarté absolue pour amorcer son intrigue.
Une intrigue qui débute après qu’un jeune manifestant se soit pris un tir de flash-ball au niveau de la tête, résultant en un important trauma crânien et des séquelles graves à vie. Lorsque Stéphanie (Léa Drucker), inspectrice de l’IGPN, se penche sur ce fameux Dossier 137, elle va découvrir que les flics en cause ont sans doute abusé de leur fonction.

Dominik Moll et son scénariste Gilles Marchand s’aventurent donc en territoire à la fois connu de tout français de par le nombre ahurissant de faits divers relatés en lien depuis des années, mais également dans une zone grise où les extrêmes de tout bord politique ont eu leur mot à dire. ACAB ou Bac Nord en un sens ?
Dossier 137 n’entend donc pas donner de réponse préfabriquée, mais se positionne en tant que pur film policier sondant avant toute chose notre quête de justice, et comment celle-ci peut être bafouée par des instances gouvernementales faillibles et gangrenées par l’omerta ! Le scénario finement écrit semble ainsi lorgner vers du Sidney Lumet, avec cette « flic des flics » enquêtant sur ses collègues de la BRI.
Fausse impartialité de la justice
Et cette position particulière offre toute sa singularité au métrage, aidée d’une Léa Drucker encore une fois impeccable en mère célibataire et ex-flic des stup’ qui va pousser plus loin que prévu les investigations sur une bavure policière ayant impacté la vie d’une famille originaire du même patelin de St-Disiez.
On pourrait initialement reprocher le côté « franco-français » des diverses scènes de ménage censées nous amener de l’attachement au personnage de Stéphanie, mais Dossier 137 construit peu à peu sa thèse et son anti-thèse pour questionner sur où se trouve le verre dans la pomme. De l’inclusion du personnage de Guslagie Malanda en femme de ménage de banlieue détentrice de preuves vidéo aux interrogatoires de policiers soumis à la loi du silence par la hiérarchie, le récit nous balance des 2 côtés du spectre concernant la figure du policier.

Position rassurante mais faillible, ou figure autoritaire et fasciste capable d’agir en dépit des recommandations via une protection juridique infaillible ? Dossier 137 va plus loin encore en montrant au spectateur le caractère vicié d’un job dont la finalité est incertaine. Derrière un aspect visuel sans fard, le tout demeure ciselé dans son écriture, en particulier des dialogues digérant à merveille tout le jargon et les us du milieu sans le rendre laborieux.
Dossier 137 laisse sa place au 138
Le tout demeure captivant à chaque instant (jusqu’à un final absolument touchant), renouvelant constamment les circonvolutions de son enquête principale. Mais c’est également dans ses dialogues mère-fille anodins en apparence (« maman pourquoi tout le monde déteste la police ? ») et le regard extérieur des policiers sur le rôle de Stéphanie (« ça te plait de faire tomber les collègues ? ») que Dossier 137 dresse une peinture étonnamment complète de l’ambivalence morale et politique qui régit toute manifestation et les actions policières qui en découlent. Bref, une belle réussite tout simplement !
Dossier 137 sortira au cinéma le 19 novembre 2025. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Avec Dossier 137, Dominik Moll récidive à nouveau pour questionner les dérives des fondations même de notre pays. En mettant le doigt sur l'omerta pouvant régner dans les instances gouvernementales, le récit amène une universalité de propos autant qu'un regard incisif sur les pages les plus récentes de notre Histoire chahutée par les mouvements sociétaux. Un vrai film policier à l'écriture ciselée, qui touche juste, avec une Léa Drucker absolument impeccable. Une vraie réussite !