L’élue raconte l’emprise amoureuse d’un professeur de théâtre admiré sur une jeune femme qui se rêve actrice.
L’élue nous emmène au cœur de l’histoire intime d’une jeune femme qui cherche à se frayer un chemin jusqu’à son rêve à travers une famille névrosée, une estime de soi malmenée et un professeur de théâtre manipulateur. Un seul en scène bien construit et une comédienne touchante.
Aveuglée par son rêve
Noémie a 19 ans. Elle exprime sa peur de monter sur scène, son manque de confiance. Mais aussi sa passion pour le théâtre, et surtout, son admiration pour son professeur, un quinquagénaire charismatique. « Il ne vous regarde pas, il vous cerne. » exprime-t-elle à son sujet dès les premiers instants. Rapidement, toute sa vie se met à tourner autour de ces moments sur scène dans lesquels elle se sent exister et valoir quelque chose pour la première fois.
Des moments qui lui servent aussi d’exutoire à des relations familiales complexes, qu’elle met en scène avec beaucoup de talent à travers les exercices imposés par son professeur. On se régale particulièrement lorsqu’elle se glisse dans la peau de son prétentieux et égocentrique de père qui ne cherche qu’à épater la galerie et l’incite à se vendre pour réussir ; ou quand elle se fond dans la peau de sa mère, manipulatrice, dépressive, cynique et détestable à souhait.
L’élue sous emprise
Aussi, lorsque ce professeur dans les yeux duquel elle se sent extraordinaire joue les mentors et l’initie un autre type de relation, elle n’ose pas dire non. Et elle se laisse embarquer dans une relation qu’elle ne souhaite pas avec un homme dont toute la perversion va peu à peu se révéler. Dans ce seul en scène à la fois drôle, touchant, et joliment mis en scène, Camille Bardery met en scène les ressorts d’une relation reposant sur la manipulation affective.
Ainsi, après qu’il l’a mise sur un piédestal, on sent rapidement le malaise qui s’installe. Les remarques acerbes d’abord ; les humiliations de plus en plus fréquentes entre deux déclarations désespérées. Puis le rejet, la culpabilisation ; jusqu’à une longue et douloureuse période de harcèlement. Mais Noémie assume avoir consenti à cette relation qu’elle ne désirait pas, et ne souhaite nullement se positionner en victime.
Un spectacle qui ouvre une réflexion
Pour autant, difficile de ne pas questionner tout de même cette notion de consentement face à tant de violence psychologique. Difficile de ne pas parler d’abus lorsqu’on voit la manière avec laquelle cette homme profite de son statut, de la figure de référence qu’il incarne et de la confiance qui lui est témoignée pour imposer une relation tout en ayant l’air de seulement la proposer.
Surtout que, là où la lumineuse Camille Bardery excelle, c’est qu’elle parvient à nous faire ressentir un peu de la fascination ressentie par Noémie à l’égard de cet ancien acteur passionné dont les remarques sur le jeu de comédien sont captivantes et nous apprennent beaucoup de choses sur ce métier. Ce qui facilite l’empathie et la compréhension. La fin est d’une sincérité bouleversante et fait jaillir l’émotion.
L’élue, de et avec Camille Bardery, mis en scène par Morgan Perez, se joue au Théâtre du Chêne Noir, à Avignon, du 07 au 31 juillet à 17h30. Relâche les lundis.
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